Santosh est une anti-pub pour la police indienne: l'image qui en est donnée est effrayante. On y perçoit la corruption, le rejet des Intouchables, mais aussi des Musulmans. Au delà de cela, c'est effrayant plus largement pour l'humanité, puisque ça nous questionne sur la façon dont quelqu'un qui apparaît très humain -tout est fait pour qu'on s'identifie à l'héroïne- peut tout à coup participer de la manière la plus cruelle à la mise à mort d'un innocent.
J'ai aimé combien ce film suit fidèlement le point de vue de Santosh, cette jeune apprentie policière, si remplie de bonne volonté, d'intégrité, et qui elle-même se laisse prendre dans le système pourri des violences faites aux femmes, aux pauvres pour se laisser métamorphoser elle-même en monstre. Elle a pourtant quelque-chose de placide, elle semble la plus raisonnable possible, la plus méritante, solidaire, intelligente et modérée. Elle ne sera pourtant qu'un rouage dans une machination odieuse, un outil du système de préservation des élites corrompues, alors qu'elle pense précisément lutter contre l'injustice.
Les images laissent au spectateur une marge d'interprétation: tout n'est pas dit explicitement. Dès le début, il faut déduire que la jeune femme est veuve, il faudra ensuite comprendre que sa cheffe est amoureuse d'elle, et c'est cet appel à l'intelligence du spectateur qui m'a plu également. On y découvre l'Inde avec des images non enjolivées de lieux marqués par la pauvreté, les problèmes d'accès à l'eau, les affronts de l'administration.
C'est aussi un film sur une forme d'affirmation du féminisme, et sur ses limites.
On sort en se demandant si la cheffe de Santosh était vraiment la pire des infâmes ou bien si à sa manière c'est une héroïne, cette forme d'indécidabilité est intéressante.