L’ouverture du film cristallise en quelque minutes la situation du pays qui servira de toile de fond à l’intrigue : une jeune veuve, qui devrait comme la tradition le demande encore, rejoindre et servir sa belle-famille, est rejetée par cette dernière car jugée trop indocile. Pour rester indépendante et ne pas avoir à retourner chez ses parents, Santosh reprend le poste de policier de son mari défunt, et se retrouve propulsée sans réelle formation dans un commissariat rural. Désireuse de faire ses preuves mais surtout choquée par le mépris de ses collègues face au viol et au meurtre sordide d’une adolescente d’une caste intouchable, elle s’investit avec le plus grand sérieux dans l’enquête et est prise sous l’aile de l’inspectrice Sharma. On leur demande de trouver rapidement le coupable, et si possible celui qu’on leur désigne, de préférence pauvre et musulman.
Shahana Goswami et Sunita Rajwar rayonnent dans leurs deux rôles de femmes policières, l’apprenti et la gradée, et incarnent la complexité de composer avec entre leur condition de femme, leurs valeurs, et les contraintes liées à leur travail, dont la notion de justice n’est pas alignée avec la leur. Comment avancer si la justice n’est pas réelle, comment vivre sans s’accommoder avec la violence et les préjugés de genre et de classe ?
On ressent l’expérience documentaire de Sandha Suri sur ce film, avec une approche très dépouillée, des lumières naturelles, peu de musique ou d’effets sonores. Cela ne veut pas pour autant dire une absence de direction, le film s’enrichissant d’effets de composition, de lumière et de caméra qui nourrissent sans jamais être gratuits l’ambiance hostile, l’action ou une forme de désillusion sourde. C’est au contraire cet équilibre qui rend le film à la fois fascinant et réaliste. Ce n’est ni un thriller ni un polar, mais plus un drame ou un portrait sociétal — malgré l’absence de « grand twist », il d’ailleurs dommage que la bande-annonce ait révélée autant.
La finesse du film est de ne jamais être manichéen, et de plutôt souligner un système gangréné, raciste, misogyne et corrompu, dans lequel pour survivre la compromission semble inéluctable. Et pourtant la réalisatrice, dans ce constat sombre, ne perd pas son optimisme, avec une scène finale défiant la résignation et encourageant particulièrement les femmes à continuer à avancer pour un pays meilleur.