S’il y a bien un pays dont le cinéma ne parvient pas à s’exporter outre ses frontières c’est bien l’Inde. Et pourtant, elle détient l’industrie cinématographique la plus prolifique et bénéfique au monde à côté d’Hollywood. Cette industrie, on l’a très justement nommée Bollywood. Sauf que culturellement, ces films ne parlent quasiment à personne de par leur particularité qui ne touche que ce pays, certes le plus peuplé au monde. En effet, voir des personnages chanter et danser sur de la musique indienne dans des productions fastueuses qui durent souvent des heures ne plaît que très peu au public occidental et à ceux d’autres pays du monde. Il est donc étonnant de voir débarquer à Cannes cette année deux films classiques (ou devrait-on dire hors du sérail de Bollywood) en salles après avoir eu en plus la primeur d’une sélection en compétition à Cannes. Il y a eu le contemplatif « All we imagine as light » qui a obtenu le Grand Prix du Jury et ce « Santosh » qui concourait dans la section Un Certain Regard et qui a fait forte impression. Et si l’on ajoute à cela les films d’action qui commencent à sortir par chez nous, dont l’excellent et impressionnant « Kill » et son jeu de massacre ferroviaire, il semblerait que l’Inde commence à s’exporter avec des films plus adaptés à nos contrées avec brio.
Avec ce « Santosh » on entre à la fois dans une veine de polar comme les affectionne tant les américains et les sud-coréens mais qui garde son identité hindou propre de façon marquée, mais également dans une peinture de l’Inde rurale avec ses us et coutumes. Car ici le contexte est tout aussi – si ce n’est plus – important que l’intrigue. Et c’est d’ailleurs sur cette dernière partie que le premier long-métrage de l’indienne Sandhya Suri nous convainc le plus. À travers le portrait de cette jeune veuve qui va devenir agente de la paix – l’équivalent de policière municipale chez nous – à la place de son mari suite à une loi étonnante propre à l’Inde et de sa première enquête sur un viol suivi d’un meurtre, la cinéaste va ausculter son pays de manière passionnante et instructive. La corruption, la place de la femme, l’absence de véritable justice, la place des musulmans dans la culture hindou, les intouchables et le système de castes, ... Tout cela est admirablement montré en filigrane de l’enquête policière et nous captive. Au final, bien plus que le suspense et des pistes suivies par notre jeune policière et sa supérieure qui la prend sous son aile. Et le film dépeint aussi bien les traditions de l’Inde des campagnes que l’on oppose à celle des villes. Un décorum inédit pour le spectateur occidental, presque documentaire, mais tout à fait édifiant et intéressant.
Malheureusement, il n’en est pas de même pour la partie polar puisque l’histoire de ce meurtre et de la recherche du coupable est d’une trivialité qui joue en défaveur du film. S’il n’était pas hindou, ce suspense ne vaudrait pas grand-chose tant il n’a rien d’exaltant ni de bien original et palpitant. D’ailleurs, il semblerait que l’intrigue ne soit pas la préoccupation majeure de la cinéaste au vu comment l’enquête avance. Même sa résolution, rapide et elliptique, en est la preuve. En résulte un manque de tension, un manque d’enjeux et un certain décrochage s’opère une fois passée la surprise et la découverte de cette œuvre des antipodes. Et comme le long-métrage dure plus de deux heures, on ne peut nier que longueurs et lenteurs s’accumulent rendant le visionnage parfois un peu neurasthénique. Une vingtaine de minutes en moins n’aurait pas amoindri la force du film, au contraire. Heureusement, l’aspect naturaliste de « Santosh » et des interprètes vraiment investies et justes permettent de passer outre. Mais si le versant plongée dans le pays nous conquiert, il est vrai que le polar nous déçoit.
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