Chaney, sous une bonne étoile.
Vue par un œil froid et analytique, cette histoire d'homme injustement mutilé recherchant sa vengeance contre une personne et le monde par le biais d'une domination sur la pègre pourrait paraître anecdotique. La faute à un scénario simpliste et farfelu, à des personnages apparemment peu profonds et à un twist final à l'intérêt plus que douteux.
Mais il serait stupide de vouloir qu'un Muet soit aussi fin et subtil cérébralement qu'un Tarkovski, au même titre qu'il serait incongru de souhaiter qu'une pantomime brasse avec une intelligence égale le même nombre de thèmes qu'une pièce de Shakespeare. Car l'Art, ce ne n'est pas que de la profondeur. Pour paraphraser Samuel Fuller dans Pierrot le fou (pellicule qui m'a par ailleurs touché l'une sans faire bouger l'autre), l'Art c'est avant tout l'émotion. J'ai commencé à l'aimer le jour où j'ai compris qu'il n'était pas censé éclairer cette chienne de vie, seulement lui apporter un peu de la beauté et de la grandeur dont elle manque cruellement, la rendant ainsi infiniment plus supportable.
Et à ce titre, Satan (The Penalty) est une réussite.
Parce que Lon Chaney donne à son personnage d'ange indûment expulsé du paradis bien décidé à régner en enfer une aura extraordinaire, un charisme étrange qui provoque chez le spectateur le mélange de fascination et de répulsion qui fait la marque des grands méchants.
Parce qu'une expression faciale originale, un cadrage bien choisi, une luminosité poétique, des décors bien utilisés, un montage astucieux peuvent souvent être plus efficaces que mille mots pour susciter chez le public la compassion, l'empathie, l'effroi ou la haine et pour illustrer ces sentiments universels et intemporels que sont l'amour, la folie, l'ambition, la jalousie, la cruauté ou la noblesse.
Parce qu'il n'en faut pas plus pour en faire une excellente œuvre d'une époque bénie du cinématographe.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 15 années 20