Batailles et fines herbes
J'avais déjà croisé plusieurs fois la galette dans les multiples temples de la consommation qui s'étendent comme une muqueuse parasite sur nos belles cités, ne manquant pas de laisser mon intérêt doucement s'attiser. J'aimais bien la bande annonce qui en faisait des tonnes. j'aimais bien voir apparaitre le nom de Ronny Yu. J'aime bien Ronny Yu. Y a un truc toujours rigolo avec les bandes annonces des films de Ronny Yu, c'est le choix des titres présentés après la mention "Par le réalisateur de". On voit alors souvent se juxtaposer des films aussi éloignés tant en intention qu'en qualité, tels que Fearless et Freddy vs Jason, ou la promesse d'une survivance d'un vrai cinéma d'arts martiaux pour l'un et l'espoir d'une brillante carrière dans le monde du nanar pour l'autre.
Autant le dire de suite, Saving General Yang, origine oblige, penche évidemment plus du côté de Fearless dans son implication et son amour transpirant. Il sait tout à la fois être juste, touchant, fort et épique, rejoignant bien des fois l'intensité dramatique que pouvait atteindre la tragédie de Huò Yuánjiǎ, taillant son histoire dans un rock solide à coups d'acteurs convaincants. Par contre, ce qu'il n'y a pas ici, c'est un type comme Yuen Woo Ping à la chorégraphie des mandales... Et ce n'est pas qu'un petit problème.
On a donc ici un énième conte de l'épopée "la plus héroïque de l'Histoire de la Chine", et cette simple annonce nous prépare d'emblée à une grande fresque étendue se voulant d'une minutie détaillée sur une monumentale légende comme on peut en voir déferler parfois sur les façades cinés ou régulièrement dans les bacs dtv. Seulement, un simple regard sur le dos de la jaquette suffit à muer une telle attente : Le film ne dure qu'à peine 1h40. Dès lors, ce qui s'annonçait comme la chevauchée intrépide de sept fils allant secourir un père valeureux aux prises d'un ennemi monstrueux devient l'histoire de sept tarés qui partent seuls avec trois canifs et deux fléchettes affronter une foule de connards hérissés jusqu'aux crocs. Ronny Yu a fait son choix, et il va fournir ce qu'il connait le mieux : Du pur divertissement qui tabasse sans s'encombrer d'excès de parlotte ou de romance à rallonge.
On a donc un film qui se déleste de toute scène à potentiel soporifique, tapant directement dans la viande à coups de machette. L'histoire se place très vite, l'odeur de 300 planant sur le truc comme le fumet de la curée à venir, et les sept marmots s'en vont défoncer une armée pour récupérer leur père. Le rythme s'avère grandement géré, Yu maîtrisant parfaitement l'art de l'accroche dans une mise en scène extrêmement simple et efficace et le film passe tout seul. Mais vraiment tout seul... Trop vite en fait. Bien trop vite. Toutes les scènes de batailles semblent écourtées, tailladées, comme étriquées dans le format restreint de la durée du métrage. Les dialogues intermédiaires, bien que servis par des personnages vraiment très bons, sont eux aussi expédiés et le tout prend l'allure d'une déflagration rapide et violente dont la poussière s'envole très vite sous le vent sans laisser grand chose de prégnant derrière elle.
Combats faisant certes le job mais filmés de manière décidément trop serrée, séquences trop brèves et manque d'un souffle dans la mise en scène font qu'on reste mitigé à la fin d'un film qui semblait étonnamment avoir tout pour marquer son sujet au fer rouge.
Reste un divertissement qui vaut son détour, pas une once d'ennui, des acteurs excellents, quelques beaux décors, un crescendo final du plus bel effet avec duel en hautes herbes et une partition d'un Kenji Kawai reconnaissable à des kilomètres, fidèle à lui même (c'est à dire excellent). Ronny Yu reste définitivement un bon pour le divertissement divertissant tout en sachant distiller quelques subtilités dans son bourrinage intensif.
Un peu déçu, mais bien recommandable quand même.