Saw fait typiquement partie de ces films déconseillés non pas aux âmes mais bien aux estomacs sensibles. Un estomac ayant moins de mémoire qu'une âme, il ne faut pas plus de deux heures pour justement digérer et (par chance) oublier ces deux heures de boucherie.
Sans doute y avait-il matière à un film décalé et novateur, si ce n'est à un bon film, mais passée sous le hachoir d'un scénario finalement ultra simpliste et d'un sadisme aussi poussé que gratuit n'apportant aucun cachet à l'ensemble, ne reste qu'un brouet immonde peinant même à remplir le premier (parfois unique) objectif du cinéma d'horreur : divertir. Il faut tout de même reconnaître ici un certain sens de la mise en scène et saluer l'impressionnante performance du casting. Mais le « pur génie » promis dans le script dessert totalement Saw, le rabaissant au rang de faux snuff film pour dégénérés en demande de scènes de tortures perverses. M'est restée la constante impression qu'il fallait vraiment tirer plaisir du spectacle (car c'est ici de ça qu'il s'agit) de la souffrance d'autrui pour en retirer au visionnage de cette chose.
Au-delà d'une incompatibilité personnelle avec cet état de fait, le film est objectivement raté, notamment dans son écriture, où le dernier tiers du script n'existe que parce qu'on fait chuter de 50 points le QI des flics le temps d'une scène qui aurait logiquement du être la conclusion. Comme dans le plus minable des slashers movie de base, il faut donc que les personnages fassent preuve d'une hallucinante connerie pour faire avancer l'action. Un procédé qui ici donne nettement plus envie d'éteindre sa télé que de rire. Le plus frustrant restant que la situation de départ, servie par deux acteurs formidables et précédent le début des horreurs est à vrai dire excellente. En osant rester un total huis clos et en se passant de ses chinoiseries, Saw aurait réellement pu se hisser au rang de thriller noir ou de divertissement malin.
Mais non, il faut en passer par une enquête ennuyeuse et mal ficelée ponctuée d'atroces sévices (physiques pour les personnages, occulaires pour les spectateurs) et se soldant par un florilège d'invraisemblances. Si l'ultime coup de théâtre est en effet difficile à voir venir, il ne concerne que l'immonde mise en scène du tueur, la véritable identité de celui-ci étant « devinable » à la seconde où il apparaît à l'écran (il faudrait peut-être prévenir la machinerie Hollywoodienne que quand un type a été casté dans 18 rôles de pervers / tordus / serial killers précédents, on finit par ne plus être supra surpris s'il s'avère être le tueur). Cerise sur le gâteau : le tout est au service d'une morale bien catho et foutrement nauséabonde, l'idée que la douleur purifie. Car oui, en torturant ces gens, en les forçant à se battre et à tuer pour leur vie, Jigsaw leur rend service, leur faisant réaliser à quel point l'existence est fragile et précieuse. Sérieusement ?
Sérieusement. Louée soit la connerie ! De sorte qu'entre éviscérations, amputations et explosions de cervelle, la scène la plus insoutenable reste à mes yeux celle montrant une victime rescapée expliquant au premier degré que son bourreau a redonné un sens à sa vie. Amen.