Après la sortie du premier opus en 2004, réalisé par James Wan, *Saw* est devenu une saga dès l’année suivante, ainsi qu’une des séries de films d’horreur les plus célèbres des années 2000. En outre, cette saga démocratise le genre qu’on appelle aujourd’hui le « torture-porn », genre qui fait appel à nos plus bas instincts en nous montrant à l’écran divers personnages mourir plus ou moins rapidement par des dispositifs plus atroces et violent les uns que les autres.
Etant un peu hémoglophobe, j’ai jamais vraiment compris le délire qu’il y a autour du torture-porn et j’ai donc mis du temps avant de m’intéresser à cette saga. J’ai cependant sauté le pas deux ans et demi avant l’écriture de cette critique, en regardant le premier, qui s’est avéré être une très bonne surprise, en alternant entre le macabre escape game dans lequel sont prisonniers les deux personnages principaux et enquête policière autour des anciennes victimes de Jigsaw. Le film correspond donc plus à un thriller psychologique, et n’est jamais gore gratuitement. Il est, en outre, particulièrement marquant par sa fin, qui constitue un des plot-twist les plus célèbres du cinéma. On pourrait seulement reprocher des performances d’acteurs parfois bancales, critique qui reste cependant mineure tant le film est qualitatif. Ainsi, dès son premier film, James Wan prouve au monde son talent, qui fera de lui un des meilleurs réalisateurs de film d’horreur, avec ses sagas suivantes que sont *Insidious* et *Conjuring*.
Le second opus est lui réalisé par Darren Lynn Bousman, qui s’occupera de la saga jusqu’au quatrième chapitre. Si celui-ci est un peu moins maîtrisé que le premier, abusant un peu des effets d’accélérations utilisés par James Wan dans le film original, il n’en reste pas moins une très bonne suite, aux nouveaux plot-twists assez surprenants et bien vus. Le réalisateur conserve l’idée de montage alterné entre interrogatoire de Jigsaw par le personnage principal, un détective au passé violent, et les nouvelles victimes du Tueur au puzzle, prisonniers dans une maison. Une nouvelle fois, le film n’est pas gore inutilement, et reste très prenant malgré ses personnages mono-expressifs. En outre, cet opus prend le temps de développer Jigsaw, et fait de lui un antagoniste très charismatique, à la philosophie plus complexe qu’elle n’y parait. La qualité de cette suite, malgré l’absence totale de James Wan à la production (alors qu’il avait écrit le premier), m’a finalement bien hypé pour cette saga, et dont le troisième film voyait le retour du réalisateur sino-malaisien au scénario.
Comparé à ses prédécesseurs, *Saw III* est une déception, et la première raison est que, pour la première fois dans la saga, le film devient inutilement gore, et ce dès les cinq premières minutes, où l’on voit le héros du second film, prisonnier à la fin de celui-ci, en train de s’exploser le pied à coup de plaque en céramique pour se libérer de ses chaines. Soit une scène particulièrement dégueulasse, que je noterai à 7/10 sur l’échelle de la violence, 10 étant le meurtre à coup d’extincteur d’*Irréversible* de Gaspar Noé. D’autres scènes m’ont fait détourner les yeux, comme le dernier piège dévoilé, qu’on pourrait appeler « la Tordeuse ». Une des autres erreurs du film est d’avoir commencé directement à la suite du second opus, pour au final éliminer tous les personnages importants dès les vingt premières minutes, avant de nous dévoiler enfin l’héroïne du film, le médecin Lynn, qui, du coup, est introduite de manière si bancale qu’elle parait sortir de nulle part. Certes, ces différentes morts ont une utilité plus tard dans le scénario, l’introduction n’en reste pas moins bancale. D’autres problèmes d’écritures ont lieu tout au long du film, qui reprend le principe de montage alterné, cette fois entre Lynn, prisonnière d’un Jigsaw mourrant, qui doit réussir à le maintenir en vie au risque de mourir en même temps que lui, et Jeff, un autre prisonnier, qui, lui, doit sortir du « puzzle ». Or, cette alternance est mal dosée par rapport aux précédents films, si bien qu’on passe parfois tellement de temps sur un des personnages qu’on en oublie l’autre, et inversement. Enfin, il y a un abus de flash-backs, mais qui, je dois l’avouer, apporte un certain développement aux personnages ainsi qu’à l’histoire, en montrant par exemple la préparation du piège du premier film. Un des flash-back m’a particulièrement gêné, qui tente maladroitement de continuer à développer le passé de Jigsaw, en dévoilant un moment de sa vie avec sa femme, et ça sert… à rien. C’est juste gratuit, genre « oh regardez c’était un homme avant hein, il n’a pas toujours été monstrueux », alors que, selon moi, les divers développements qui avaient déjà eu lieu, ainsi que sa maladie, et sa philosophie, suffisent à montrer que le Tueur au Puzzle est un être humain avant tout. Et puis, ce flash-back est si niais : on y voit Jigsaw en train de prendre des photos de sa femme sous la beauté des arbres aux feuilles jaunes d’automne, il y avait tellement d’autres façons d’être plus subtil. Enfin, le film tente une nouvelle fois de se finir par un twist, twist qui n’est pas mauvais, mais qui souffre de la comparaison avec les précédents opus.
Tout n’est pas à jeter dans ce film. Jigsaw reste un méchant très charismatique (malgré ce flash-back), par ses dialogues, au phrasé soutenu, et vole complètement la vedette aux autres personnages (qui sont, il faut l’avouer, assez interchangeables). En outre, le film reste divertissant, et ne souffre d’aucunes longueurs. C’est juste dommage que *Saw* commence avec ce film à se perdre dans le gore inutile, et, même si je vais regarder les suivants, par curiosité, je pense qu’ils auraient dû s’en tenir à une trilogie, qui aurait probablement plus marqué la saga dans l’histoire, et lui aurait évité sa réputation de torture-porn (parce que franchement, je ne trouve pas que les premiers films correspondent à ce genre). A voir ce que réserve la suite, de bonnes surprises restent possibles…