Faisons une petite équation: prenez Edgar Wright (scénariste et réalisateur de Shaun of the Dead et Hot Fuzz), ajoutez l'acteur Michael Cera (Juno, SuperGrave). Vous pensez donc que l'association des deux lascars débouchera sur du n'importe quoi? Grave erreur...Vous aurez droit à du grand n'importe quoi.
En adaptant le comics Scott Pilgrim, Wright signe un O.V.N.I cinématographique complètement barré. Pourtant, ça commence plutôt normalement. On suit les amours du bien nommé Pilgrim, 22 ans, bassiste dans le groupe de rock amateur Sex-Bob-Omb, légèrement égocentrique et encore meurtri de sa dernière rupture. Sa nouvelle conquête, une lycéenne de 17 ans, ne peut rien y faire: le bougre ne peut s'empêcher de penser à son ex, Nathalie V. Adams. Jusqu'à ce que son chemin croise Ramona, livreuse à domicile aux cheveux violets. C'est le coup de foudre. Seulement, pour la conquérir, Pilgrim devra vaincre les ex-maléfiques de la mystérieuse donzelle. Des messieurs un rien impulsifs qui n'entendent pas laisser notre luron prendre leur succession. Autant dire que la quête de Pilgrim ne va pas s'apparenter à un 5 à 7 des plus relaxants.
Voilà, plutôt normal comme point de départ. À ceci près que dès le début, le film s'ancre dans un univers résolument BD, Wright multipliant les procédés cinématographiques pour rappeler le comics d'origine. Slipt-Screens, onomatopées ou ellipses écrites sur l'écran; on sait tout de suite où on met les pieds. Et le résultat est franchement bluffant, contribuant aux envolées hilarantes dont le film n'est déjà pas avares. Puis, par un rebondissement qui va en surprendre plus d'un, le film commence à lorgner vers le jeu vidéo de combat. Et il en reprend également les codes visuels.
Chargé, ce Scott Pilgrim? Plutôt. On passe quelquefois près de l'overdose, mais Wright à la présence d'esprit de compenser par la légèreté du propos. Ce qui paradoxalement ne l'empêche pas de caser plusieurs répliques cultes et pépites de dialogues absurdes. L'ensemble confère un souffle comique tellement soutenu qu'il ne nous laisse presque pas le temps de reprendre le notre.
Dans le même temps, on se prend d'une affection sans bornes pour la troupe d'acteurs ultra-motivée qui amplifie d'autant plus le sentiment d'euphorie générale. Michael Cera donc (dont le talent n'est plus à confirmer), mais également Kieran Culkin (prodigieusement tordant dans le rôle du colocataire gay), Mark Webber (extrêmement drôle dans les pompes du pote guitariste à côté des siennes),...Et n'oublions pas les apparitions de Chris Evans, Jason Schwartzman et Brandon Routh, toutes plus bidonnantes les unes que les autres.
Une fois sorti, on oublie presque que Scott Pilgrim a connu un bien cruel destin dans les salles. Le film fut considéré comme l'un des plus gros échecs de l'année 2010. C'est d'autant plus troublant qu'on tenait pourtant l'un de ses meilleurs. Ce qui est sûr, c'est que malgré cette entaille, le temps aidera surement à panser cette vilaine blessure.