Scott Pilgrim.
C'est une BD en 6 tomes, dessinés et scénarisés par Bryan Lee O'Malley. Série peu connue en France, je l'ai découverte un peu par hasard en flânant dans une boutique spécialisée, j'ai craqué sur le premier volume, puis sur les 4 suivants. Dévorés, je les ai lu tel un affamé sur son steak. J'ai accroché à ce mélange d'univers, à ce portrait des jeunes de mon age, évoluant dans un monde où chacun possède les aptitudes qu'il fantasme d'avoir, celles d'un héros de jeu vidéo. Bardé de références, foisonnant d'idées, l'histoire ne raconte au final que les déboires d'un jeune adulte ne voulant pas grandir, confronté au passé sentimental quelque peu tenace de sa nouvelle girlfriend.
Scott Pilgrim VS The World, le film, est l'adaptation de cet OPNI (Objet papier non identifié) par le génial Edgar Wright. Et autant que je vous l'annonce de suite, il rentre pour moi avec ce film dans la cour des très grands réalisateurs, des fous furieux de leur art, qui arrivent à imaginer monts et merveilles de mise en scène et d'histoire pour pousser encore plus loin les arcanes du cinéma. Ce film a été un flop à sa sortie, il sera assurément une œuvre culte dans 20 ans.
Edgar Wright réalise ici une œuvre foisonnante, qui démarre par une introduction qui met directement dans l'ambiance: par une annonce digne d'un conte de fée. Sauf que nous sommes dans la banlieue de Toronto, Canada, de nos jours. Un endroit où le dénommé Scott Pilgrim sort avec une lycéenne, et qui va être bien embêté quand il rencontrera par hasard la fille de ses rêves (littéralement, elle passe dans ses rêves) dans la bibliothèque du quartier. Bouleversé, il va tout tenter pour mieux la connaitre, mais par la même occasions s'attirer des ennuis pas possible liés au passé de la belle.
La mise en scène, bordel de dieu. LA MISE EN SCÈNE ! Le bougre m'avait déjà illuminé mes mirettes avec "Shaun of the dead" et "Hot Fuzz", mais là, il livre des plans et des séquences carrément folles, du jamais vu pour ma part. Tout est précis, tout est millimétré pour offrir un festival de couleurs, de références visuelles et sonores. C'est une orgie indescriptible et jouissive, qui sert le récit. Et c'est sur ce point qu'il fait fort, c'est que cette orgie d'effets spéciaux sert tout le temps le récit et la tension dramatique et épique du film. Elle le sert, si vous avez les références pour les comprendre. C'est sur ce point que ce film est clairement générationnel, qu'il ne peut être comprit que par ceux qui en ont bavé sur un beat'm all, un versus fight ou un jeu de plate forme. Ce film ne parlera forcément qu'à ceux qui ont joué aux jeux vidéos dans les années NES et Master System grand maximum.
Le film confirme et comprend ce problème de génération, vu qu'aucun personnage ne dépasse la trentaine. Jamais la génération qui a donné naissance à Scott et sa clique sera présente. Scott Pilgrim est un teen movie qui s'assume, jusqu'à en exclure les générations non concernées de leur présence dans la fiction. Tout au plus, elle sera mentionnée dans un dialogue, pour souligner encore plus son absence.
Les acteurs ont été choisis avec une intelligence rare: Brandon Routh, l'ancien Superman, en bassiste aux pouvoirs abusés. Chris Evans en méga star hollywoodienne (alors qu'il n'avait toujours pas eu le succès avec Captain America !), Jason Schwartzman en producteur indé égocentrique et condescendant. Et je ne parle pas d'Allison Pill, Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Kieran Culkin, Ellen Wong, etc... Ils sont tous parfaits. C'est un total sans faute de distribution.
Je pourrais en parler des heures, de comment le film est intelligent sous sa couche de blockbuster à l'apparence bête. Que le personnage de Scott essaye tant bien que mal de rester cet insouciant ado, qui va devoir grandir un peu quand il tombe amoureux d'une femme. Comment il doit faire lui aussi le deuil de son passé amoureux tombé en lambeaux, de même que celui de sa nouvelle conquête viendra royalement l'emmerder. Une histoire de portes à franchir et à fermer. Et de pièces à récolter et de skills à apprendre.
Je suis en admiration devant ce film, c'est peut être la plus belle adaptation, le meilleur exemple de comment on peut garder toute l'essence d'une œuvre dans son expression visuelle, son fond et son esprit, tout en y implantant ce qu'un auteur veut y mettre et souligner. Car c'est tout autant l'adaptation d'une œuvre qu'un film d'Edgar Wright. C'est novateur, c'est visuellement bluffant, c'est un chef d’œuvre.