Qui Sea Fog s'y pique

Après quelques tribulations pour atteindre l'une des 20 salles diffusant le film, des retrouvailles émues avec le cinéma UGC (5 ans que je n'avais plus assisté à leur jingle d'avant-film trop classe avec leur logo), une entrée dans une petite salle confidentielle avec des gens qui sortent en faisant la tronche alors que le générique de fin s'entend encore et l'étonnement de voir un mec en costard cravate à cette séance, je peux enfin le mater (le film, pas le mec en costard). Après tous mes efforts, je suis en excellentes dispositions pour apprécier mon premier coréen au cinéma (malgré certains voisins dont je me serai bien passé).

Déjà le personnage principal du film est extrêmement bien présenté : c'est le bateau. Il est plein de vie, rempli de bricoles qui lui donnent de la personnalité, de rouille due à son grand âge, de déchets qui témoignent de son statut de lieu de vie et de marins taillés à la serpe. Avec cette belle musique en fond, le décor est posé et capte instantanément notre attention. Il est beau, il est bien montré et il est habité par un capitaine prêt à tout pour le mener aussi loin que possible.

Le film réussit bien à nous montrer le quotidien des marins, distillant son humour typique de ses scénaristes (Bong Joon-Ho notamment). Toutes les images ont une vraie gueule, direct le film gagnera votre cause si vous êtes sensible à ça. Ensuite démarre le coeur de l'intrigue avec cette histoire de passagers clandestins à faire circuler. J'ai adoré le moment où les passagers embarquent. J'ai bien aimé les échanges entre les deux "camps", la distance qui les sépare et qui permet à ce bateau de constituer une mini-simulation du monde. L'essentiel du huis-clos quoi. Les passages avec la cale sont bien filmés également, on sent l'enfermement des clandestins. On a quelques personnalités qui se détachent du lot, les personnages sont bien différentiables, le capitaine est charismatique et très bien interprété. Vraiment en terme de réalisation, c'est du tout bon.

Mais il y a des points qui tâchent. D'abord l'histoire d'amour qui est un peu lourde et envahissante. Elle trouve son intérêt scénaristique, mais quand même. Mais le vrai problème vient après : passé un certain point scénaristique (d'ailleurs excellent), ça devient la fête du slip. Je pensais être averti, mais là ça devient quand même un peu n'importe quoi. Les personnages deviennent caricaturaux et agissent comme bon leur semble sans être rappelés à l'ordre, ils s'agitent, on vire à l'anarchie sans que ce soit bien amené. Et là on sort facilement du film, ce qui est dommage car on a quand même de très bons trucs. Décidément Sim Sung-Bo se débrouille bien pour son 1er essai et il nous le fait savoir avec quelques scènes assez intenses. J'ai surtout apprécié la fin. J'ai trouvé ça beau. Là encore, dommage de gâcher ça avec un épilogue parfaitement inutile qui nous retient quelques minutes supplémentaires pour rien.

Sea Fog c'est un film très bien réalisé avec un bateau qui vit, des scènes qui m'ont vraiment plu, une amourette pénible et un craquage vers la fin. Tant pis pour les défauts, je reste sur ma bonne impression. Un film ne se limite pas à ses couacs, il se définit par ce qu'il a réussi. Et lui il m'a proposé une croisière que je n'oublierai pas de sitôt.