Cela fait maintenant quelques temps que j'explore la filmographie de Kiyoshi Kurosawa, réalisateur de cinéma qui a traversé les ages, des années 80 à nos jours. Et forcement, chez un auteur, car il en est un, on retrouve des thématiques, mais surtout un esthétisme qui lui est propre.
Séance m'a totalement troublé. Je ne m'attendais vraiment pas à ce parti pris par le réalisateur; de totalement embrasser le medium télévisuel.
La suite de cette critique n'est en rien prouvée, et peut être que j'avancerai des choses qui n'ont jamais effleurées le réalisateur. Mais bon, de toutes façon il n'en saura rien.
Séance est donc un téléfilm réalisé par Kiyoshi Kurosawa en 2000. C'est un drame conjugal, un film d'horreur aussi, qui tend vers le thriller horrifique vers la fin, tant Kurosawa sait corréler le crime et le fantastique pur (les fantômes en l’occurrence). Ce n'est pas le film où il approfondis le plus l'idée, l’icône fantomatique, qui ici reste simple symbole de remord ou simple entité décalée du monde, qui erre depuis son assassinat et qui va rentrer en contact avec les vivants.
Sur le fond oui, Séance est un film qui peut envier Cure ou Kairo, ou même Charisma, pour citer le film le plus exigeant que j'ai pu voir du réalisateur.
Mais il y a une chose, et cette chose change tout (et est un changement): C'est l’esthétique adoptée par le réalisateur. Car ce qui caractérise Kurosawa, dans tout les films de sa période pré-Tokyo Sonata, c'est déjà une opacité évidente, un sombre qui occulte une grande partie de l'image. C'est aussi des environnements qui absorbent les personnages, des personnages perdu, pris de loin, suivis par une caméra qui plane autour d'eux, mais toujours avec du recul. Et bien ce qui change, et ce qui va influer sur tout ces points, c'est le format.
Le film est en format 4/3, normal pour la télévision. Et Kiyoshi Kurosawa va totalement s’engouffrer dans ce format, va compresser son image et cela va permettre un renouveau de son style (le film est unique dans la réinvention, plus que Bright Future). L'image, alors plus petite, ne permet plus d'autant distancier les personnages en les gardant dans le même plan. Qui plus est le drame du film est un drame viscéral du couple. Et Kiyoshi Kurosawa n'utilise guère de champs contre champs. Des amants, dans un cadre restreint, un fantôme collé aux côtés d'un homme, en face d'un serveuse, tout ça créer une intimité et une proximité entre les corps, qui est juste sublime. Quand le mari et la femme sont dans le même plan, ils sont presque l'un sur l'autre, ils débordent du cadre. Et ça pour quasi toutes les interactions physiques de présence dans le film.
Le réalisateur s'attarde aussi sur les détails, première fois que j’aperçois cela dans son cinema. Quand je parle de détails, c'est le zoom sur des éléments du tableau global de l'environnement. Le 4/3 permet et même oblige Kurosawa à filmer ces détails plutôt que les environnement en eux mêmes. C'est donc un film plus organique, plus palpable, et cela influence aussi la manière de filmer les corps, elle aussi plus charnelle (surtout au niveau des visages).
Quand le mari étouffe la fille disparue, on ressent l’étreinte d'une manière profondément physique.
Il faut aussi que je vous parle de la photographie, qui est tout simplement la plus belle de la carrière de Kurosawa (avec celle de Kairo et Charisma (et Cure)). Celle ci assume un artifice qui est pour le coup assez commun au cinema du maitre, un kitch volontaire qui fait ressortir l'image, la grave dans le temps et dans le métrage. Quand ce n'est pas ça, c'est un vert gris qui parcoure le métrage, touchant presque à une aube mystérieuse, une certaine brume qui étouffe les personnages. Certains clairs obscurs sont à jamais dans mon cœur tant ils sont beaux et suspendu.
Car si il y a une chose qui est universelle au cinema de Kurosawa, c'est cet onirisme glaçant et apaisant. Et c'est pour ça que j'aime son cinema.