À ce qu'il paraît, c'est le premier film d'un certain Gu Xiaogang. Ben, on ne peut pas dire qu'il ait perdu du temps pour nous montrer qu'il a beaucoup de talent.
C'est une chronique familiale qui débute par l'anniversaire de la grand-mère qui, le jour même, fait un malaise, dont une des conséquences sera de la rendre sénile. Et on a quatre frères. Le premier tient un restaurant avec son épouse et doit faire face au fait que sa fille est tombée amoureuse d'un homme tout à fait respectable, gentil, serviable, travailleur, sauf qu'il est enseignant et un enseignant, ça ne croule pas sous la thune. Le deuxième, pêcheur de profession, a été obligé de quitter son logement, car l'immeuble dans lequel il vivait est en train d'être détruit. Ce qui fait que son bateau est devenu aussi son habitation par la force des choses. Le troisième, que sa femme a quitté et qui se charge seul d'élever son fils trisomique, a des grosses dettes de jeu auprès de types pas franchement recommandables. Il finira par comprendre que ça rapporte bien plus de faire jouer que de jouer, mais cela ne sera pas, aussi, sans grosses emmerdes garanties. Et le quatrième est un benêt ne pouvant que foirer les rencontres avec les potentielles épouses qu'on lui présente dans l'espoir de le caser...
Bon, au début, je reconnais que j'ai mis un peu le temps à saisir qui est qui, qui fait quoi, tellement c'est fourmillant dès les premières minutes. Mais une fois que j'ai passé cette étape, ça va tout seul et on suit ces personnes normales, donc attachantes, avec leurs soucis normaux, la grand-mère dont on doit se charger, une vie de plus en plus chère, des soins médicaux qui sont loin d'être donnés ; un gros lot d'emmerdes et d'inquiétudes autour du Dieu Pognon auquel on est bien obligés de se soumettre. Un petit rayon de soleil, tout de même, avec la fille du premier frère et l'enseignant qui s'aiment d'amour tendre...
Gu Xiaogang peint cela magistralement (oui, j'ai envie d'utiliser ce verbe puisque les références au troisième art sont partout, jusqu'au titre même !), souvent avec des plans d'ensemble plaçant les êtres bien dans leur environnement, que ce soit au milieu d'un urbanisme stressant ou d'un peu plus de nature donnant un peu d'apaisement bienvenu. Dans cette optique, le plan-séquence fait fréquemment acte de présence, maîtrisé à la perfection par le cinéaste. Des exemples ? Cette scène où le jeune professeur nage le long d'un sentier forestier que suit sa bien-aimée pour finalement se rejoindre sur la terre ferme ou celle pendant laquelle on entend la conversation d'un homme et d'une femme, à l'aise tous les deux de complicité, tout en voyant le quatrième frère et une énième "candidate" avant qu'un mouvement de caméra nous révèle que ce sont en fait les deux amoureux précédemment cités (oui, le prof et la fille du premier frangin !) qu'on écoute ; non seulement, c'est une manière subtile de croiser le destin des quatre frères, mais en plus, ça pète la classe.
Oui, parce que si la profondeur est très présente par l'intermédiaire de personnages qui sonnent vrais, qu'on a l'impression de connaître depuis longtemps, dans le même temps, ça marque aussi sacrément des points sur l'aspect formel.
Et là où ça en jette grave aussi, c'est dans la manière d'introduire les saisons. Oui, parce que l'ensemble se déroule sur quatre saisons, j'avais oublié de le préciser. C'est d'une beauté renversante. J'ai rarement vu la splendeur des paysages et les particularités de ces périodes de l'année aussi bien mises en valeur. Ouah d'admiration...
À la fin, Gu Xiaogang nous fait comprendre qu'il y aura un deuxième volet. Sauf mauvaise surprise qui serait due à des circonstances extérieures, je compte bien être au rendez-vous.