Le combat de Martin Luther King
À l’instar du "Lincoln" de Steven Spielberg, "Selma" préfère relater un épisode emblématique du combat de Martin Luther King pour les droits civiques, plutôt que de relater sa vie entière. Cet épisode, ce sont les fameuses marches de Selma à Montgomery, en Alabama, en 1965, pour protester contre les restrictions et les intimidations dont les Noirs font l’objet dans le Sud des États-Unis lorsqu’ils veulent s’inscrire sur les listes électorales. La première de ces marches se soldera par une attaque en règle des manifestants par les policiers au bout du pont Edmund Pettus. Les images de l’attaque, relayées par la télévision, choqueront de nombreux Américains, conduisant des Blancs à rejoindre le mouvement.
Pour raconter cet épisode, la réalisatrice s’attache autant aux activistes des droits civiques afro-américains moins connus du grand public, tels Annie Lee Cooper, John Lewis ou Jimmy Lee Jackson, qu’aux actions de Martin Luther King. Les tractations entre ce dernier et le président Lyndon B. Johnson pour faire avancer la législation sont également au cœur du film. Car le sujet de "Selma" est moins la personnalité de Martin Luther King que le combat même pour les droits civiques. Avec une réalisation efficace, le film d’Ava DuVernay met en évidence la mauvaise foi des autorités sudistes, le racisme ambiant, ainsi que les divergences au sein du mouvement des droits civiques, et les tergiversations des protagonistes principaux, le président Johnson et Martin Luther King en tête. Ce dernier, magnifiquement interprété par l’acteur britannique David Oyelowo, est présenté avec ses doutes, ses hésitations et ses peurs, même si le film cède parfois le pas à l’hagiographie.
À la lumière des récentes affaires de bavures policières commises par des policiers blancs à l’égard de Noirs aux États-Unis, "Selma" intervient comme un rappel à l'ordre. Les marches de Selma à Montgomery ont eu lieu il y a à peine cinquante ans, et, comme le laisse entendre le générique de fin, le combat pour l’égalité n’est pas terminé.