"Sept hommes à abattre" est un film important dans la filmographie de Budd Boetticher car il est le premier d'une série de sept westerns où le héros principal sera joué par Randolph Scott dans un rôle d'un homme frappé par la vie et préoccupé à se venger ...
Dans ce film, Ben Stride, ex-shérif, (Randolph Scott) poursuit sept bandits qui ont attaqué une banque (un dépôt de la Wells Fargo) et provoqué la mort de son épouse qui y travaillait. Dans sa poursuite, il rencontre un couple de colons en route pour la Californie et une ancienne connaissance (Lee Marvin) qui va l'aider, pas dans sa vengeance mais pour un motif intéressé.
On voit donc que l'intrigue est donc plutôt simple et la mise en scène sera aussi d'une grande sobriété. Peu de mouvements de caméra complexes, plutôt des cadrages et des plans champ/contrechamp.
Même côté décors, on sent le film un peu fauché. Le film est très court puisqu'il fait 78 minutes. On sent aussi la mise en scène très épurée : l'essentiel, rien que l'essentiel.
Non, l'intérêt est ailleurs. Principalement dans l'étude des personnages et de leurs comportements.
D'abord, les personnages ne sont pas si manichéens que ça. Bien sûr, on va très vite classer les personnages en bons ou gentils (Stride, Annie Greer) et en mauvais (Lee Marvin). Car leur passé parle évidemment.
Mais les choses ne sont pas si simples en fait. Boetticher s'est complu à brouiller les pistes.
Ben Stride est peut-être une victime mais il a sa part de responsabilité (il s'est fait virer comme shérif aux dernières élections, par orgueil il a refusé une place d'adjoint faisant travailler sa femme et causant indirectement sa mort, ...) et puis qu'est-ce que c'est que cette vengeance personnelle, de quel droit faire sa justice quand on n'est plus rien et qu'on n'y est pas mandaté ?
Masters (Lee Marvin) est une petite crapule. Emprisonné deux fois par Ben Stride pour je ne sais plus quelle peccadille. Et pourtant, il apparait ne pas tant lui en vouloir puisqu'il se propose de l'aider. Et puis, il n'a pas l'air si méchant que ça, il est plutôt bon compagnon.
Même chose sur les époux Grier dont on apprendra au cours du film qu'ils ne sont pas non plus très nets.
Plusieurs scènes sont remarquables comme la scène initiale où Ben Stride arrive sous une pluie battante à un endroit où se sont réfugiés deux personnes qui vont lui offrir de partager le gîte et le café. Mais des paroles malencontreuses font monter brusquement la tension entre les trois personnages dans une scène très concise et très efficace.
Je pense aussi à la scène plus tard, encore sous une pluie battante, où les époux Grier et Ben Stride sont à l'abri dans le chariot avec Masters qui vient les rejoindre. On assiste alors dans cet espace confiné à une espèce de monologue où Masters, frisant l'arrogance, règle ses comptes avec l'époux Grier et Ben Stride qu'il méprise au fond et qui restent impassibles. C'est "la" scène où il exprimera sa jalousie face à Ben Stride. Cette scène est déterminante dans le film.
Je pourrais la résumer (pour éviter tout spoilage) par : la ruse (Lee Marvin) contre l'austérité (Randolph Scott)
Le dernier duel est magnifiquement réalisé et monté : d'abord, il est succinct. Pas de fioritures comme par exemple tourner pour que l'adversaire ait le soleil dans les yeux. Les deux adversaires, Stride et Masters, sont simplement face à face avec le coffre entre eux. Stride blessé à la jambe s'appuie sur un fusil comme une canne face à un Masters, en pleine forme, prêt à dégainer. On ne voit pas le tir donnant l'impression de la vitesse de l'éclair. On voit simplement l'adversaire tomber.
J'aime cette sobriété et cette concision que j'oppose à son absence dans les westerns italiens ou genre Peckimpah.
Les personnages eux-mêmes.
Le rôle de Randolph Scott montre un homme rigide, outragé mais qui se sent totalement responsable de l'échec de sa vie qu'elle soit professionnelle ou privée. "Un homme devrait être capable de prendre soin de sa femme". Mais malgré tout, l'aspect stoïque et le beau visage buriné ont belle allure.
Le rôle de Lee Marvin est plus complexe au point qu'il volerait presque la vedette à Randolph Scott.
C'est d'abord le personnage le plus bavard. Il retient l'attention même s'il ne séduit pas et laisse de marbre les autres personnages, pas dupes.
Il porte une extravagance sur lui avec son écharpe verte ou dans son comportement en particulier quand il allume sa cigarette au mégot encore fumant du gars qu'il vient de tuer !
ou encore lorsqu'il tombe avec grâce la main sur le cadenas du coffre, après s'être fait flinguer.
C'est presque juste un peu trop.
Le rôle de Gail Hunter dans le personnage d'Annie Grier est à la fois très respectable et très émouvant. C'est une belle femme qui attire inévitablement les convoitises des hommes qui l'entourent. Mais c'est une femme forte qui ne se laisse pas approcher si facilement. Toute la beauté du jeu de Gail Hunter va être d'exprimer son attirance envers Ben Stride et de parvenir à percer sa cuirasse sans qu'aucun geste ne soit équivoque. Très belle prestation de cette actrice dont la vie privée n'a pas été simple. J'avais énormément apprécié cette actrice dans son rôle d'ange dans "l'ange et les mauvais garçons" (cf critique sur SC)
"Sept hommes à abattre" est un film que j'apprécie beaucoup par sa simplicité, par ses personnages qui livrent leurs contradictions mais aussi par sa fin très pudique mais qui est résolument optimiste et tournée vers l'avenir.