Dans ce film tiré d'une histoire vraie, Beverly Sutphin est une mère aimante, une épouse dévouée et comblée, une citoyenne modèle qui trie ses ordures et offre un cake au fruits au prof de maths de son fils, une petite rasade aux éboueurs et qui aime observer les oiseaux le dimanche matin. En gros, une femme tout à fait charmante. A ce petit détail près qu'elle passe ses journées à passer des coups de fil anonymes à sa voisine en la traitant de "Pussy face" (je cite) et qu'elle trucide quiconque manquera de civisme ou de respect envers sa famille. Et que tout ceci est une gigantesque farce concoctée par John Waters.
Bien qu'ayant sérieusement mis de l'eau dans son vin depuis ses débuts trashs et underground, John Waters s'amuse comme un petit fou avec sa vision du téléfilm du dimanche soir forcément tiré de faits réels. Il nous offre un tableau décalé et peu flatteur d'une Amérique hypocrite et bienpensante, dégommant au passage l'église, le puritanisme, le système judiciaire, les banlieues proprettes, les institutions en tous genres, la récupération médiatique, le cinéma familial, la fascination du pays pour ses tueurs en série, l'insensibilité progressive des plus jeunes face à la violence, bref, tout ce qui tombe sous la main de Waters passe au mixeur.
Et le plus étonnant, c'est que le discours de Waters, bien que facile, passe comme une lettre à la poste et ne tombe jamais dans le nauséabond, le cinéaste faisant preuve d'un amour bienveillant envers chacun des ses personnages, qu'ils regardent "Annie" sans rembobiner la VHS, qu'ils portent du blanc après le Labor Day ou bien qu'ils soient tout simplement cons, le tout étant de toute façon à prendre au millième degré.
Drôle et gentiment irrévérencieux, "Serial Mother" permet surtout à Kathleen Turner de faire des étincelles, absolument hallucinante en mère modèle bloquée dans les 50's et fascinée par le massacre de masse. La comédienne, constamment sur le fil, est tout à tour angélique, flippante, et même carrément attachante, épaulée par d'excellents seconds rôles menés par un Sam Waterston excellent en époux dépassé par les évènements.
Parfaitement rythmé et devenu culte au fil des années, "Serial Mother" est un vrai film de sale gosse, une satire frappadingue d'une Amérique réac exécutant des innocents à la pelle, pointant du doigt tout ce qui est marginal mais offrant paradoxalement une tribune aux pires sociopathes que la terre aie portée... à condition bien sûr qu'ils trient leurs ordures.