"Nous serons toi et moi les plus heureux du monde (...) on n'a plus rien à craindre"

A l'occasion d'une rediffusion de Série Noire, ce soir je me décide à écrire une petite chronique.
Série Noire je l'ai vu plusieurs fois, et plusieurs est un euphémisme !
Côté synopsis, je m'en remets, comme toujours à Sens Critique et à mes ami.e.s du blog.


Dans Série Noire, tout commence dès la première image : une voiture abîmée perdue au milieu d'un terrain vague, il pleut, tout est déserté, en ruine, détruit, désoeuvré. Franck Poupart, alias Patrick Dewaere, bouge, danse dans l'allégorie de sa propre vie.
Dans Série Noire, il fait froid, il fait moche, il y a de la couleur, mais tout est noir triste et déchiré.
Tout y est sordide dans la vie de Poupart : les conditions d'exercice de son métier, son patron Staplin, alias Bernard Blier, les clients, dont cette femme qui prostitue sa nièce, la jeune et jolie Mona-Marie Trintignant.


Dans Série Noire, toute la finesse, la profondeur, l'authenticité de Patrick Dewaere, la palette de son jeu, est visible, ciselée.
La Terre Gaste de Poupart-Dewaere, dialoguée avec brio par Georges Perec, nous invite dans son coeur même.


Série Noire m'apparaît comme le long monologue d'un homme psychiquement déstabilisé, sujet à hallucinations, désespéré, allant de figure hallucinatoire, Tikidès, hallucination qui prendra fin avec la mort de la tante et la sienne d'ailleurs ; en figure hallucinatoire, Mona son double presque silencieux.
Parmi les figures réelles, l'épouse, Myriam Boyer, alias Jeanne, est celle à qui Poupart intime l'ordre de ne pas être entendue, c'est à elle qu'il hurle :



Y en a marre d'écouter les autres parler !



assailli qu'il est de ces voix qui le poussent dans une violence autocentrée.
Puis vient le temps de la paranoïa : Mona va-t-elle parler ? Staplin a-t-il compris ? Mais surtout Jeanne ne va-t-elle pas cesser de vouloir comprendre ?
Cette paranoïa arrive à point nommé, parce qu'il faut bien tenir, et c'est du reste dans cette phase-là que Poupart prend conscience qu'il parle tout seul et s'en inquiète, mais cela ne durera hélas pas.
C'est là qu'arrive LA scène, la terrible scène dans laquelle Poupart aux prises avec sa folie se tape littéralement la tête dans la voiture. Scène éprouvante pour le comédien Dewaere comme elle le fût pour l'équipe du film.


C'est le moment de souligner les morceaux d'anthologie dans le jeu réaliste et déchirant qui font la texture de Patrick Dewaere : la scène de la garde à vue, qui fera point de bascule dans le film ; les larmes de Dewaere-Poupart, qui parfois ne font plus qu'un ; la scène du bain pendant laquelle on étouffe avec lui et ces attitudes si particulières : ce regard, ce sourire et ce rire, ses hésitations, ses nuances dans la voix.


Série Noire est un chef d'oeuvre du cinéma dramatique français, joué, porté, écrit avec toute l'intelligence possible que peuvent offrir les arts.


A voir, revoir et re-revoir...
Bonne séance !

Créée

le 24 mai 2021

Critique lue 89 fois

2 j'aime

Agyness-Bowie

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