Gaspar Noé est mon réalisateur préféré. Voilà, c’est dit. J’aime son cinéma, un cinéma à la démarche qui rappelle celle de Baudelaire, dans sa quête de beauté au sein de la laideur, tout en débordant de vie et d’envie, on pense à Climax, tellement marquant alors même qu’improvisé. Et donc, cela me mène à Seul contre Tous, premier long-métrage du bonhomme, faisant suite à Carne, moyen métrage que je n’ai toujours pas vu. Et tout Noé est évidemment là, sur le fond comme sur la forme. C’est brutal (les zooms marqués par une détonation, les gros cartons en lettres capitales), c’est désespéré (le film est fondamentalement un long dialogue du personnage principal, au bord du gouffre), c’est social aussi (la scène, déchirante, du concierge, et celle de la prostituée). Mais si le film est un début pour son réalisateur, c’est aussi un sommet pour Philippe Nahon, immense second couteau du cinéma français qui tient ici son plus grand rôle, malsain, dérangeant, et en même temps profondément humain, ce qui rend le film absolument insoutenable, car le discours du boucher semble vrai alors même que ses actes sont d’une violence terrible (la scène du canapé qui préfigure le triste sort de Monica Belluci dans Irréversible), jusqu’à une scène finale simulée qui masque une réalité moins trash mais tout de même monstrueuse. Et en cela, Seul contre Tous, c’est déjà tout le cinéma de Gaspar Noé, un regard ultra noir et violent sur l’humanité, une catharsis à la fois sublime et détestable.