Qu'on l'aime ou qu'on le déteste (on mise sur un pourcentage nettement plus fort dans la première catégorie tout de même), force est d'admettre que le petit minot de Philadelphie qu'est le génial Will Smith, a su se faire, avec les années et son intelligence, une place de choix dans l'histoire du septième art ricain.
Un touche-à-tout aux multiples casquettes méchamment talentueux quand il s'en donne franchement les moyens (ses deux nominations aux oscars ne sont pas usurpées) et qui incarna au bas mot, l'un des rois les plus écrasants du box-office pendant plus d'une décennie.
Mais comme tout bon roi du B.O. - Tom Cruise, Sylvester Stallone ou encore Mel Gibson pour ne citer que -, le jadis Prince de Bel Air s'est vu gentiment mais surement éjecté de son trône par la concurrence rageuse de la jungle Hollywodienne, la faute à plus d'un choix hasardeux (Un Amour d'Hiver, After Earth signé par un Shyamalan à la côte de popularité - à l'époque - quasiment au fond du trou), à une présence accru dans les tabloïds (via ses marmots, mais pas que) mais surtout à un long silence de quatre ans, entre 2008 et 2012.
Une pause proprement suicidaire dans le business, que même le commercial Men in Black III n'aura pas su faire oublier.
Reste que la côte du Will n'est visiblement pas complètement engoncée dans les limbes d'Hollywood, puisqu'il a pour lui la confiance aveugle de la bienveillante Warner, qui lui a offert le leadership du très sympathique Diversion (vedette il est vrai un temps promis à Ryan Gosling, puis Ben Affleck), mais également une place de choix dans le DCverse via le foutrement attendu Suicide Squad de David Ayer - ou il campera Deadshot.
Membre intégrant (et involontaire ?) de la récente polémique " Oscar So White " dans laquelle sa femme Jada était pleinement impliquée, le bonhomme aurait bien voulu prétendre à une nomination aux statuettes dorées grâce à sa performance dans Seul Contre Tous, nouveau film de Peter Landesman (le mitigé Parkland, film choral sur une pluie de personnages gravitant autour du décès tragique de JFK) mais surtout biopic hautement calibré pour la saison des récompenses.
La péloche s'attache à l'histoire vraie - et scandaleuse - au destin du Dr Bennet Omalu, neuropathologiste de médecine légale nigérian ayant immigré aux États-Unis et dont les travaux ont mis à jour les risques de traumatismes cérébraux irréversibles - l’encéphalopathie traumatique chronique - des joueurs de football américain.
S'attaquer à la toute-puissante NFL, monument à part entière du pays de l'Oncle Sam, n'est pas sans conséquence et la quête idéaliste d'Omalu pour faire éclater la vérité sera digne du combat entre David et Goliath...
Autant l'avouer tout de suite, si Smith s'est retrouvé dans l’œil du cyclone " oscars " pour sa non-nomination, ce n'est décemment pas le fruit d'un boycott des acteurs afro-américains de la part de l'académie (à la différence d'Idris Elba, qui lui méritait bien plus sa place dans la section Meilleur acteur dans un 2nd rôle, en lieu et place de Christian Bale); mais bel et bien parce que sa prestation, pas forcément remarquable, dans le très creux Concussion (titre en v.o), n'a pas de quoi faire bander les cinéphiles que nous sommes.
Mais le Will n'est pas celui à blâmer ici - loin de là -, tant le bonhomme, impliqué (même si il frôle souvent le surjeu, accent forcé à la clé), semble faire ce qu'il peut avec ce qu'on lui donne, au sein d'un drama sportif tourné comme un thriller soporifique n'exploitant jamais vraiment la richesse de son propos; terreau propice à un questionnement fascinant sur la violence du sport le plus populaire outre-Atlantique (et le rapport ambigu entre la morale et l'économie incroyable qu'il génère) tout autant qu'à un miroir inversé du rêve américain, la face cachée de la mécanique ricaine (la difficulté d'intégration, douloureusement d’actualité) et de son refus catégorique à être jugée par un " étranger ", véritable ennemi du patriotisme.
Jamais Landesman, à la réalisation figée, ne semble décidé à sortir son film de sa torpeur et de sa paresse, sa mise en image de l’idolâtrie du peuple américain manque cruellement de finesse, d'humanité mais surtout de saveur; et ce ne sera pas le casting convoqué pour l'occasion (Smith mais également Gugu Mbatha-Raw, Alec Baldwin et Albert Brooks) qui sauvera le spectateur de l'ennui poli dans lequel il est coincé - le film atteint les deux heures de bande.
Froid, banal et méchamment académique, Seul Contre Tous est un biopic manqué, qui rêverait jouer des coudes avec le grandiose Révélations (Michael Mann Forever !), mais qui se retrouve in fine dans la cours des Diana et autres Jobs...
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/03/critique-seul-contre-tous.html