A l’origine de l’histoire du film de David Moreau est une bande dessinée créée par le dessinateur Bruno Gazzotti et le scénariste Fabien Vehlmann dont les premières pages sont parues en 2006. Le tome 1 « La Disparition » a été couronné du Prix Jeunesse à Angoulême ainsi que du Grand Prix des Lecteurs du Journal de Mickey, ce qui a contribué au succès d’une série particulière. Destinée aux jeunes ados, Seuls aborde frontalement le thème de la mort, et peut être parfois sombre ou violent. Difficile d’imaginer qu’au pays des comédies avec Christian Clavier, quelqu’un accepte de produire une telle adaptation. C’est pourtant ce qu’a fait Studio Canal en confiant avec raison les rênes du projet au réalisateur David Moreau. Qui s’en sort honorablement.
Seuls commence sur la jeune Leila, qui passe la soirée à la fête foraine de Fortville pour se changer les idées sur un manège à sensations. Le lendemain, alors qu’elle s’apprête à démarrer sa journée, elle va découvrir être littéralement seule dans sa banlieue. Ses parents ont disparu. Les rues sont vides, les maisons sont désertes. Elle va faire la connaissance en chemin d’autres adolescents tout aussi perdus, et alors qu’une étrange fumée s’abat sur la ville.
Si vous êtes lecteurs de la bande dessinée, vous serez surpris dès les premières minutes ou à la lecture de ce pitch : Seuls version David Moreau est une vraie adaptation, pas une transposition littérale. Certains choix sont fait pour des raisons de budget (exit les cairns rouges et leurs singes, et la ville qui s’enfonce dans le sens est remplacée par le nuage de fumée), d’autres parce qu’il fallait faire tenir les tomes du premier cycle en 90 minutes de récit. Alors vous me direz que certains volumes de la BD sont là pour faire du remplissage mais il fallait néanmoins couper.
David Moreau a également choisi de faire de Leila le personnage principal de l’intrigue quand l’œuvre papier traitait à égalité tous les personnages. C’est un choix audacieux pour du cinéma, puisque les héroïnes féminines et d’origine étrangère sont rares voir inexistantes en France. C’est aussi un choix payant puisque Sofia Lessafre porte le film avec beaucoup de talent.
Et si la petite ville mignonne et fantasmée qu’était Fortville devient une banlieue parisienne parmi tant d’autres, l’esprit de l’œuvre de Vehlmann et Gazzotti est néanmoins préservé de bout en bout grâce à certains lieux, certains personnages et certaines situations. Et comme le voulait les auteurs, la fin est évidemment la même.
La copie que j’ai pu voir en avance pour vous en parler était une version inachevée, avec des plans numériques qui méritaient encore un peu de travail. Je ne peux qu’espérer que le montage n’était pas non plus totalement définitif, parce que si c’est le cas, certains passages apparaitront comme bizarre à l’écran comme une scène -sans spoiler- vers la fin du récit qui manquait clairement de plans supplémentaires pour être complétement justifiée. A l’inverse, le long-métrage semblait manquer par moments d’un peu de rythme que quelques coupes légères auraient dynamisé. J’espère donc que ces petits défauts seront corrigés dans la version prévue pour la salle.
Dans tous les cas, et malgré les menus défauts, on ne peut que se réjouir de voir ce genre de production se faire en France, ici où le cinéma de genre est de plus en plus boudé et où les tentatives de proposer des choses différentes soit sont compliquées à monter soit sont lâchées en route et se viandent au box office. Dans un monde où la comédie à tendance raciste fait recette et où les producteurs préfèrent financer des téléfilms de luxe où des comédiens sur le retour rigolent autour d’un barbecue, allez jeter un petit coup d’œil à Seuls. Et aussi parce que, mine de rien, on a envie de voir la suite.