La scène d'ouverture du film met tout de suite dans l'ambiance. Un cow-boy se repose à coté d'un feu de camp dans une plaine infinie et parle à son cheval Whisky pour lui dire qu'il va falloir repartir. Passent alors dans le ciel des avions à réaction. Nous ne sommes pas au XIXème mais pratiquement une centaine d'années plus tard.
C'est un western qui se déroule dans les années 1960 et qui met en scène un cow-boy (Kirk Douglas) qui refuse obstinément l'embrigadement, la modernité et ses avantages. Un de ses premiers gestes dans le film sera de couper des barbelés qui partage la plaine à l'infini et qui l'empêchent d'avancer. N'admettant pas qu'une loi ait pu mettre son copain de toujours en prison et considérant de son devoir de l'aider à se libérer, il va se débrouiller pour se faire emprisonner. N'y parvenant pas à le convaincre, il se libère lui-même et devient l'objet d'une traque. On notera que le copain a été emprisonné parce qu'il aidait des immigrés clandestins à passer la frontière, ce qui n'aurait pas eu de sens quelques dizaines d'années plus tôt.
Le shérif (Walter Matthau) , chargé de le poursuivre, rêve au cow-boy en fuite, en regardant la montagne au loin, synonyme de la liberté, à travers les barreaux de la fenêtre du commissariat dont il ne peut se passer.
Ce western est une parabole sur ce qu'est devenue la liberté dans un pays moderne comme les Etats-Unis. Produit par Kirk Douglas où il joue le rôle principal, le scénario est de Dalton Trumbo, lui même victime du McCarthisme et remis en selle depuis peu ; je m'interroge sur le choix qui a conduit à tourner le film en noir & blanc ? Est-ce que cela renforce le symbole d'un retour sur une époque aujourd'hui révolue ? Est-ce pour souligner le manichéisme des personnages ?
Le titre américain est "Lonely are the Brave" et est, comme souvent malheureusement , bien plus signifiant que le titre choisi par les distributeurs français. Certes, Kirk Douglas est un indompté, mais il est surtout "Brave" dans le sens où cela signifie qu'il est courageux, tenace un peu comme ces indiens qui refusent de s'intégrer à la vie américaine ou de passer sous le joug américain. Mais le titre signifie surtout que cette liberté a un prix à payer : la solitude.
Gene Rowlands a un rôle d'une grande sensibilité et est très émouvante. C'est la compagne du copain qui est en prison. Elle, elle est bien ancrée dans le monde moderne et dans le bon siècle mais ne peut s'empêcher de les aimer, ces deux vieux fous qui n'en font qu'à leur tête et qui vont au bout de leur quête ou de leurs idées. Elle les aime mais elle les déteste en même temps car finalement ils ne sont jamais là et l'obligeant à rester seule avec son fils.
Parmi les seconds rôles, Walter Matthau, le shérif débonnaire et plein de philosophie rentrée qui se met à envier le fugitif et Georges Kennedy, le maton sadique, sont les instruments chargés d'entraver la liberté de Kirk Douglas sans oublier le semi-remorque (qui transporte des chiottes) dont on suit la course éperdue pendant tout le film qui est l'instrument du destin.
On ne sort pas indemne de ce magnifique western.