Shame mais comment s’en sortir..?

Dès le début nous sommes plongés dans un univers polymorphe constitué des pensées sombres du protagoniste Brandon (joué par Michael Fassbender) qui est rongé par sa maladie mentale mais aussi d’un New York aisé, corporate et festif, ce qui n’est évidemment pas sans rappeler American Psycho. Dès lors qu’est-ce qui diffère de ce dernier film ?


A peu près tout ! Dans American Psycho la déviance mentale fait l’objet de sublimation sur la forme et est source de force et de vitalité sur le fond (dans le sens où le protagoniste est chaque fois régénéré). Ici, c’est au contraire la maladie destructrice et aveuglante qui est mise en exergue dès le début avec des tonalités musicales qui frôlent le registre de la tragédie. Quant au protagoniste, il apparait comme froid et en retrait ce qui suggère une réelle souffrance dans un univers social exigeant.


Pour ce qui est de la thématique de la pathologie, il est clair que les conséquences de cette dernière sont bien développées. Mais nous ne pouvons nous empêcher de nous interroger sur les causes de la maladie et sur le passé et le futur du personnage. Nos questions demeurent sans réponse : le film ne traite que du présent ce qui laisse donc un manque de clarté, en ce sens la pathologie est présentée sans être expliquée ni questionnée ce qui implique des lacunes dans le traitement du sujet.


Sur le fond, ce qui semble le plus dérangeant est sans doute le propos lui même qui se veut extrêmement limité et réducteur. En effet, le film se contente de fustiger la maladie sans en imaginer une éventuelle issue positive, la possibilité de s’en sortir est même clairement évincée par la structure circulaire du film (avec la répétition de la scène du métro) : en 1h40 rien ne s’est passé : le protagoniste reste bloqué. De plus, nous avons affaire à une vision manichéenne et simplifiée : Brandon est le coupable qui doit avoir « honte » et Sissy (jouée par Carey Mulligan) est la victime. Si cela est clairement un parti pris du réalisateur, au vu du titre, nous pouvons toutefois regretter une absence de nuance et de point de vue.


En revanche il convient de reconnaitre que la relation qu’entretiennent Brandon et Sissy — qui sont frères et soeurs— est particulièrement intéressante en ceci qu’elle dénote une réelle complexité des rapports humains. En effet, Brandon et Sissy n’entretiennent en aucun cas une relation frère-soeur classique vue et revue. Mais là encore, il est dommage que le point de vue et les sentiments de Sissy n’aient pas été détaillés. En somme, l’exposition de la psychologie des personnages s’avère trop partielle.


Finalement, s’il est évident que le spectateur ne peut guère s’identifier à Brandon, on éprouve de la compassion voire du respect pour ce dernier car, quoique malade, c’est le personnage masculin du film qui semble le moins agressif et insistant avec les femmes. La distinction entre malade et harceleur, qui était nécéssaire, est par conséquent bien rappelée.


Malgré les manquements sur le fond, ce film tient en haleine par ses longues scènes sans fioriture et dialogues inutiles. Chaque scène et chaque dialogue, par leur réalisme et leur pureté, font sens, rythment le film et suscitent des émotions.

clemencelfrst
7
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le 29 août 2021

Critique lue 89 fois

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