Shanghaï Blues
7.5
Shanghaï Blues

Film de Tsui Hark (1984)

C'est la première fois que je découvre Tsui Hark dans une pure comédie, et il réussit bien son coup. M'enfin, ce n'est pas tout à fait vrai, le ton est quand même globalement tragi-comique, même si finalement le comique prend le dessus, du moins jusqu'au final qui se révèle plutôt doux-amer, comme un certain The Lovers dont il reprend pas mal la logique narrative, en débutant par quelque chose de relativement léger pour ensuite nous achever émotionnellement, le sagouin.


On ne peut pas dire que Shanghai Blues soit le film le plus connu de Tsui Hark, et c'est bien dommage tant il traîne derrière lui un certain sentiment d'accomplissement, là où les précédents demeuraient assez bordéliques et expérimentaux. Et par delà ce sentiment de finition, ce qui m'a fasciné dans ce film, c'est qu'on y retrouve la fronde critique de L'enfer des armes (ça nous parle tout de même des difficultés de l'après-guerre de survivre à tous les niveaux, tant matériellement qu'affectivement), mais le tout transformé en comédie de moeurs. Le message n'en demeure pas moins puissant, surtout que c'est rythmé de bout en bout grâce à des comiques de situation gérées de main de maître, toujours parfaitement lisibles, percutantes, et drôles.


Au niveau de la réalisation, c'est aussi du beau, Tsui Hark nous offre tout simplement une magnifique fresque de l'époque des années 50-60, tant au niveau des couleurs, des décors, des costumes et des plans, très classes en termes de composition. Et encore une fois, les séquences comiques, à base de parties de cache-cache et de quiproquos, révèlent un sens de l'espace maîtrisé à la mécanique redoutable. Sans oublier les acteurs qui sonnent tous justes (et j'insiste sur ce point), aussi bons dans les séquences de drame que de comédie, avec des ruptures de ton qui nous font aisément passer des rires aux larmes (celles sur le toit et dans le train sont tous simplement magiques).


Certes, le coeur du film est relativement léger, reposant sur deux âmes soeurs qui avaient juré de se retrouver (ça se complique avec l'arrivée d'un second protagoniste amoureux, et franchement, il était pour moi impossible de les départager), et se retrouvent par hasard en se tournant autour comme des niais sans le savoir, mais ça fonctionne du tonnerre, avec une toile de fond toujours intéressante à suivre et riche en détails, où le pire est toujours évité de justesse mais du coup n'est pas moins montré du doigt. Selon moi, ce film est tout simplement ce que Tsui Hark a pu faire de mieux jusqu'à ses deux premiers films sur Wong Fei Hung, à la fois magnifique, drôle, et émouvant.

Arnaud_Mercadie
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mon Top Tsui Hark

Créée

le 23 avr. 2017

Critique lue 248 fois

Dun

Écrit par

Critique lue 248 fois

D'autres avis sur Shanghaï Blues

Shanghaï Blues
pphf
8

Du pur burlesque, mais génialement décalé

Parce que ce délire survitaminé, permanent, absurde et incontrôlable est aussi un vrai récit romantique – ils se rencontrent sur fond de guerre mondiale et de bombardements, se distinguent à peine...

Par

le 20 oct. 2014

15 j'aime

2

Shanghaï Blues
Ryo_Saeba
8

Critique de Shanghaï Blues par Ryo_Saeba

1984, alors que Tsui Hark travaille encore pour la compagnie Cinema City et vient de réaliser Aces go places 3, il décide avec sa compagne, Nansun Shi, de fonder la Film Workshop afin d'obtenir plus...

le 3 oct. 2010

7 j'aime

Shanghaï Blues
bougnat44
8

Un film qui n'engendre pas le blues

Le film commence en 1937, au début de la guerre sino-japonaise où les Japonais bombardent Shanghai, dans la concession française. Deux clowns (l’oncle et le neveu) décident de quitter leur employeur...

le 28 févr. 2021

Du même critique

Le Sabre
Arnaud_Mercadie
9

De la perfection de l'art samouraï

Là où Tuer se distinguait par son esthétique élégante et toute en retenue, conforme à une certaine imagerie traditionnelle du Japon médiéval, Le sabre frappe par sa simplicité et son épure formelle...

Par

le 27 avr. 2017

9 j'aime

Qui sera le boss à Hiroshima ?
Arnaud_Mercadie
8

Critique de Qui sera le boss à Hiroshima ? par Dun

C'est avec ce second épisode que je prends enfin la mesure de cette ambitieuse saga feuilletonesque sur les yakuza, qui mériterait plusieurs visions pour l'apprécier totalement. Alors que j'étais en...

Par

le 15 avr. 2017

8 j'aime

Mind Game
Arnaud_Mercadie
8

Critique de Mind Game par Dun

J'avoue avoir repoussé la séance à cause de l'aspect expérimental de cet animé de peur de me retrouver dans du sous Lynch un peu trop obscur (non que je déteste l'idée, mais ça peut rapidement tomber...

Par

le 5 mars 2019

8 j'aime