Haro sur le prédateur ! Dans la lignée des grands films américains d'investigation sur des faits réels, menés par des journalistes de la presse écrite, She said a l'efficacité requise, à défaut de suspense, puisque la conclusion de l'affaire Weinstein est connue, mais il n'en est pas moins passionnant de suivre les étapes d'une enquête effectuée dans un milieu où l'omerta régnait. Les deux femmes journalistes qui œuvrent pour la vérité rappellent évidemment leurs confrères aux trousses du Watergate dans Les hommes du président. A la limite d'être montrées comme des super-héroïnes, avec une vie de famille en partie sacrifiée (merci aux maris, en passant, le film n'en est pas à considérer que la masculinité est toujours toxique), les journalistes partagent le devant de la scène avec les anciennes victimes du producteur hollywoodien, sans tomber dans le pathos, avec la dignité nécessaire. Tout ceci est bien sage, dira t-on, à l'image de l'interprétation solide de Carey Mulligan et de Zoe Kazan, et d'une mise en scène d'une grande sobriété (I'm your Man, le précédent film de l'Allemande Maria Schrader, outre son titre qui sonne désormais ironique, faisait montre d'une belle inventivité mais il est vrai que le sujet s'y prêtait davantage). She said représente un cinéma classique, c'est entendu, et dont le scénario n'approfondit pas vraiment l'étendue des dégâts d'un système qui a perduré durant des années à Hollywood et dont certains complices, de par leur silence, portent des noms célèbres. Mais en tant que Français, il serait un peu présomptueux de donner des leçons de morale à l'Amérique. On en reparlera après le film qui sera (peut-être un jour) consacré à quelques agresseurs et violeurs notoires de notre beau pays, du monde des médias, par exemple, qui ont sévi pendant plusieurs décennies en toute impunité et qui restent à ce jour libres de leurs faits et gestes.