« You've never complained about my methods before. » SHERLOCK HOLMES

A l'origine producteur, Lionel Wigram décide de rendre hommage au personnage emblématique de Arthur Conan Doyle en proposant sa propre adaptation de Sherlock Holmes. Pourtant, le détective britannique a déjà derrière lui une impressionnante filmographie de longs-métrages pour le cinéma, de téléfilms, mais aussi de séries télévisées. Mais Lionel Wigram n'a pas dans l'idée de proposer une nouvelle version classique du fameux personnage tel qu'il a pu être représenté jusqu'ici. Et pour matérialiser son idée, mais aussi convaincre un studio de produire son adaptation de Sherlock Holmes, il va même jusqu'à réaliser un comics (qui ne sera jamais publié).

Les producteurs de la Warner Bros. achètent les droits en 2007 et l’adaptation se voit au préalable confiée au réalisateur Neil Marshall. Un cinéaste anglais dont les œuvres paraissent bien éloignée de toutes les adaptations existantes de Sherlock Holmes. Bien vite, il sera remplacé et la production semble privilégier une vision britannique en confiant les rênes du métrage à Guy Ritchie. Tout comme Neil Marshall, les films précédents du réalisateur anglais n'ont pas grand chose à voir avec un spectacle en costumes puisqu'il s'est essentiellement illustré jusque là dans des histoires de gangsters très contemporaines.

Sherlock Holmes sort en fin d’année 2009 et en début d’année 2010 chez nous, en France.

Guy Ritchie quitte ainsi momentanément l’univers contemporain de ses magouilleurs habituels pour s’immiscer dans le Londres de la fin XIXe siècle. À sa façon, Ritchie s’aventurera sur un terrain partageant plusieurs similarités avec celui qu’avait défriché son compatriote Christopher Nolan en 2006 avec son excellent The Prestige, nous ramenant à une époque où la magie et le surnaturel expliquaient encore ce qui n’avait pas été rationalisé par les dernières percées dans les domaines des sciences et des technologies. Les deux opus présentent ainsi des personnages cherchant à mystifier la population de l’époque, et le spectateur par la même occasion, par l’entremise de différents tours de passe-passe. Si les fins visées sont en soi fort différentes, l’objectif ultime du principal protagoniste sera néanmoins dans les deux cas de comprendre les rouages d’un acte semblant, à première vue, être le fruit de pouvoirs extraordinaires.

Le scénario (écrit par une équipe de scénaristes inexpérimentés) ne perd d’ailleurs pas de temps à se mettre en marche. Nous suivons alors le détective et le Dr. Watson tandis que ceux-ci tentent de stopper les machinations diaboliques du puissant Lord Blackwood. Après une confrontation musclée au cours d’un rituel mystique, le duo passera finalement les menottes à son adversaire, qui restera étonnamment passif vues les circonstances. Après son exécution, Blackwood viendra de nouveau hanter la population londonienne lorsque le gardien d'un cimetière jurera avoir vu le défunt sortir de sa tombe et prendre la fuite. Les deux héros ne seront toutefois pas les seuls à vouloir retrouver la trace du fantôme en question alors qu’une voleuse professionnelle, et ancienne flamme de Holmes, tentera elle aussi de faire la lumière sur les manigances du pseudo mort-vivant pour le compte d’un mystérieux professeur. Évidemment, tout ce beau monde finira par découvrir que les actions du Lord anglais sont en soi liées à un inévitable complot menaçant l’ordre et l’équilibre politique de la planète entière.

Comment ne pas saluer la magnifique prestation de Robert Downey Jr., récompensé d'un Golden Globe (et choisit, il faut le dire, car sa femme Susan Downey est productrice du film). Quel bonheur de voir cet acteur de talent revenir au premier plan et acquérir, enfin, ses lettres de noblesse. Comme Jeremy Brett, il incarne à sa façon le célèbre détective dans ce qu’il a de plus fascinant. Une personnalité de sang froid avec une infime lueur de démence dans le regard. Watson, quant à lui, a enfin un interprète à sa hauteur. Jude Law aborde se second rôle avec retenue tout en lui donnant une véritable épaisseur, personnifiant ainsi très justement cet homme tiraillé entre admiration et lassitude, qui tente tant bien que mal, de se préserver au sein de cette amitié passionnelle, presque devenu relation homosexuelle.

Le duo va combattre ici un diabolique Lord Blackwood, adepte de magie noire et orchestrateur de meurtres rituels, alternant démonstrations de ses dons d'observation et morceaux de bravoure avec effets visuels et musique de marteau-piqueur. Magnifiquement campé par Mark Strong, l’acteur a déjà été dirigé par Guy Ritchie dans Revolver et RocknRolla.

Ajoutons à cela les prestations élégantes de Rachel McAdams, Eddie Marsan ou Kelly Reilly.

Nous avons droit ici à une vision beaucoup plus décontractée de l’univers du célèbre personnage, mais l’une qui n’a pourtant aucune difficulté à prouver sa propre pertinence, usant de rigueur et d’intelligence dans le développement de son intrigue tout en sachant alléger le ton par l’entremise d’un savant mélange d’humour visuel et pince-sans-rire. L’un des principaux facteurs de cette réussite demeure évidemment la performance de Robert Downey Jr. qui, une fois de plus, s’approprie les traits de son nouvel alter ego avec un plaisir plus que manifeste. Une bonne partie des louanges reviennent également à la mise en scène et à la direction d’acteur tout ce qu’il y a de plus compétentes de Guy Ritchie, qui aura su imposer ses tics, tels ces nombreux ralentis, sans que le tout ne paraisse jamais inopportun.

Le film demeure un produit que ses créateurs ont développés visiblement avec beaucoup de soin, notamment au niveau de la direction artistique (petite anecdote, avant d'être la maison de Holmes, le décor avait servi pour celle de Sirius Black dans Harry Potter and the Order of the Phoenix que Lionel Wigram a également produit), mais aussi dans le choix des influences. Outre un faible évident pour les opus de Christopher Nolan (voir le traitement du personnage de Moriarty en fin de parcours, comparable de bien des manières à celui du Joker en plus de servir lui aussi de tremplin vers un inévitable second épisode), les auteurs s’inspirèrent également des derniers James Bond, auxquels ils reprirent la vieille idée d’une confrérie machiavélique cherchant à renverser l’ordre établi. Tout cela sans compter ce discours toujours très présent sur la façon dont les hommes de pouvoir tentent de maintenir leur suprématie sur la masse par l’entremise de la peur, qui passera éventuellement ici par une diabolisation particulièrement habile de l’arme biologique.

Dans l’ensemble, le film déborde d’idées et de classe, qu’il s’agisse de la lumière brunâtre, ritchienne (osons), signée Philippe Rousselot ou de la bande très originale, tout en cordes tziganes, composée par Hans Zimmer, jusqu’à l’intrigue générale aux accents steampunk.

Sherlock Holmes livre la marchandise, même si il semble souvent pris entre deux époques. Espérons tout simplement que ses artisans, déjà en forme sur ce premier opus, sauront imposer davantage leurs méthodes lors du second tour de piste.

StevenBen
7
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le 5 juil. 2024

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Steven Benard

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