- L'ennemi sait pour qui nous travaillons.
- Comment le savez-vous ?
- Ce couteau, comme celui qui a tué Gavin, est celui d'un ancien des docks de Hambourg. Un couteau allemand. Ces lanceurs sont excellents.
- Revenons quand il fera jour.
- Non. Nous sommes en danger. Tout le monde est en danger. Tous les nôtres, en tout cas.
Propagande !
"La Voix de la terreur" réalisé par John Rawlins en tant que troisième des quatorze films basés sur le détective privé d'Arthur Conan Doyle, "Sherlock Holmes", avec Basil Rathbone dans le rôle phare et Nigel Bruce dans le rôle du docteur Watson, est un épisode à part dans la chronologie de la saga. Pour son premier opus produit par Universal Studios, le studio a voulu offrir une proposition "originale" venant contraster avec les deux films précédents produits par la 20th Century Fox, en transposant le détective anglais durant la Seconde Guerre Mondiale. Des années 1880, le personnage est projeté vers les années 1940. Un sacré bon dans le temps justifié par un texte d'introduction.
« Sherlock Holmes, le personnage immortel créé par Sir Arthur Conan Doyle, n'a pas d'âge. Il est invincible et constant. Il règle de graves problèmes du présent et prouve qu'il reste le maître suprême du raisonnement et de la déduction. »
Une explication déroutante faisant de cet opus un hors-série dans lequel on délaisse l'ère victorienne pour se concentrer sur les temps modernes. Une proposition qui trouve son origine auprès de Winston Churchill, qui en 1942, soit en plein conflit de Seconde Guerre Mondiale, voulait offrir sur le grand écran une confrontation claire au nazisme. Et quoi de mieux pour lutter contre la propagande nazie que de lui opposer un symbole anglais avec Sherlock Holmes. Un effort de guerre important permettant d'entretenir la ferveur patriotique et de motiver tout un pays. Un affrontement idéologique offrant la meilleure des justifications à l'élaboration de cette nouvelle aventure, où Sherlock Holmes galvanise son auditoire.
Sur un scénario de Lynn Riggs et John Bright, on découvre une Londres angoissée et dépressive, qui depuis des mois subis le harcèlement d'une émission de radio allemande, «La Voix de la Terreur», qui fait éloge de la puissance des nazis tout en manoeuvrant des attentats en direct pour mieux démoraliser le peuple anglais. La dissuasion par la peur. Sir Evan Barham, du British Intelligence Inner Council (service de renseignement intérieur), fait appel au détective pour conduire une enquête d'ordre nationale, mieux, internationale, où il va devoir stopper cette voix obscure. L'intelligence de ce récit provient de son ingéniosité à transposer des éléments du réel au récit fictionnel. En témoigne le moment où Sherlock Holmes tente de percevoir la localisation des ondes émises en diffusant à la radio la Symphonie nº5 de Beethoven. Un élément loin d'être anodin puisqu'un certain Victor de Laveleye fut le 14 janvier 1941 l'initiateur d'un code, la lettre « V », qui symbolisait le signe de ralliement. Un code au succès retentissant qui s'étendra par-delà les frontières, si bien que Winston Churchill en fit son emblème. Un V qui sur le plan sonore en morse s'illustrait par trois impulsions courtes et une longue : « ti-ti-ti-tiii » (ça ne vous rappelle rien ?). La Symphonie nº5 de Beethoven, devint un hymne symbolique de Victoires. Un joli clin d'œil de la part des scénaristes. À cela s'ajoute la lutte contre la propagande radiophonique nazie qui était très forte. Mais aussi sa provenance, puisqu'elle était diffusée par un traitre qui fut condamné à mort pour haute trahison contre le Royaume-Uni, à l'image de l'antagoniste secret du film.
La Voix de la terreur est une enquête plus ou moins réussite qui va dans un premier temps articuler son intrigue autour du mot «Christopher». Un mystère qui va conduire le spectateur sur des rebondissements plus ou moins efficace, appuyés par une mise en scène étonnamment bonne. Une réalisation soignée savamment portée par la photographie de Woody Bredell, qui fait un superbe travail. Les gros plans sur les visages sont bluffants, notamment durant l'incursion dans le bar de Kitty (Evelyn Ankers), qui en tant qu'épouse de Gavin (une victime nazie), va à la demande de Holmes rendre un superbe discours de galvanisation avec une caméra qui s'arrête et dévisage les visages des occupants. Si l'investigation fonctionne bien avec cette voix ténébreuse qu'il faut absolument stopper, on regrette une conclusion bien trop sage et facile. Une finalité anti-sensationnelle pourtant située dans un cadre qui laissait espérer le meilleur avec une église délabrée particulièrement frissonnante. Reste un petit divertissement dans lequel on apprécie de revoir Basil Rathbone dans le rôle de Holmes et Nigel Bruce dans celui du docteur Watson. Un duo toujours aussi complémentaire avec un Watson qui fait pour cet épisode office de plante verte. Evelyn Ankers sous les traits de Kitty sans être incroyable fait le travail demandé. Côté antagoniste, Thomas Gomez pour Meade, s'avère décevant. Un méchant impitoyable qui ne cesse tout du long de danser dans la main de Sherlock, qui fait de lui ce qu'il veut. Enfin, Sir Evan Barham, alias Heinrich von Bork par Reginald Denny, est un personnage appréciable.
CONCLUSION :
"La Voix de la terreur" réalisé par John Rawlins, d'après le personnage emblématique d'Arthur Conan Doyle, est un troisième opus étonnant en tant que hors-série. Un épisode à part initié par Winston Churchill qui a voulu confronter Sherlock Holmes aux nazis, quitte à le transposer dans une autre époque. La volonté de créer un mouvement capable de galvaniser les troupes en temps de guerre pour créer une ferveur patriotique et motiver tout un pays. Une tâche à laquelle répond efficacement Basil Rathbone en tant que Holmes et Nigel Bruce en tant que docteur Watson,
Un peu trop sage et facile mais ça reste divertissant.
Le seul point fixe à travers les âges. Le vent d'est se lève quand même. Un vent qui n'a jamais soufflé sur l'Angleterre. Il sera froid et perçant. Et beaucoup d'entre nous dépériront, mais c'est le vent de Dieu et une terre plus verte, plus forte, s'étendra au soleil quand l'orage se dissipera.