Après une première partie très alléchante, la deuxième partie est celle du dénouement. Un dénouement progressif qui montre effectivement que le prologue était d’une importance capitale. Kiyoshi Kurosawa maintient un beau suspense avec des révélations successives jusqu’à un final marquant.

Cette deuxième partie est consacrée aux deux autres filles survivantes, du groupe des copines de la petite Emili. Akiko et Yuka sont « celles qui voulaient oublier ». Elles ont voulu croire qu’elles pouvaient vivre à leur façon. Leurs caractères s’affirment, différents de ceux de Sae et Maki. Quoi qu’il en soit, le meurtre d’Emili est quelque chose qui marque vraiment leur inconscient, car c’est la loi du talion qui finit toujours par s’appliquer, même si cela peut n’être qu’indirect. Leur copine a été assassinée, l’homme menaçant doit mourir, quelle que soit la façon. D’ailleurs si l’homme doit mourir, c’est Kurosawa (qui adapte ici un roman de Kanae Minato) qui le décide, comme il décide de comment la mort doit intervenir. N’oublions pas qu’Asako la mère d’Emili est toujours présente à Ueda, surveillant ce que deviennent les copines de sa fille assassinée. Asako apparaît souvent comme une sorte d’ange noir. Elle réclame la pénitence, elle réclame surtout vengeance. Et elle exige toujours que les filles l’accomplissent à leur manière. C’est d’ailleurs l’une d’elles qui va finalement lui fournir l’indice décisif, ne se gênant pas au passage pour en demander une compensation monumentale. Nouvelle illustration des rapports de domination.

On lorgne du côté de l’angoisse, pourtant une scène se révèle jubilatoire, grâce à l’intelligence avec laquelle elle est filmée. La petite Yuka a grandi elle aussi et elle travaille comme fleuriste dans un endroit où, à l’occasion, elle pourrait être amenée à dire « petit yucca deviendra grand… » Yuka (qui vit seule) est enceinte et le révèle à sa sœur qu’elle a retrouvée depuis peu. Quand Yuka annonce depuis combien de temps, la soeur réalise que cela correspond à la seule soirée où elle est sortie en laissant Yuka en tête-à-tête avec son policier de mari. Le dialogue est assez savoureux et les regards en disent long (autre illustration des rapports de domination), ce qui n’empêche pas Kyioshi Kurosawa de jouer un peu avec son spectateur, car Yuka dit ce qu’elle veut à chacun. Tout cela tourne autour de l’amour, du sexe, de l’ascendant exercé sur autrui.

Ce film est clairement la deuxième partie d’un tout prévu en 4h30 puisqu’il commence sans générique. Le film était une commande de la télévision japonaise. Ici, deux parties raisonnables sont chacune centrées sur les autres copines d’Emili, toujours 15 ans après le drame. Et une partie étonnamment longue tient lieu d’épilogue. Cet épilogue permet de dénouer tous les fils de l’intrigue. Une intrigue dont on sentait la complexité dès le prologue. Autant dire que le spectateur ne voit pas passer les 2h30 de cette partie et que la conclusion apporte de nombreuses révélations. Pour le spectateur qui en connaît déjà certaines, c’est l’occasion d’observer l’effet produit sur les intéressés. Des révélations désespérantes à en pleurer. On peut reprocher un enchainement de circonstances un peu trop parfait, mais il faut bien reconnaître que le hasard est ici bien guidé et que le scénario illustre de manière remarquable le fameux effet papillon. La mort d’Emili est due à un enchainement inéluctable de circonstances (« Out of the past » est le titre original du film de Jacques Tourneur « La griffe du passé »). L’épilogue montre que la seule solution pour en finir avec la loi du talion, c’est de déposer les armes. Et il faut malheureusement des circonstances assez terribles pour en arriver là.

Toujours très prenante et dans une tonalité plus contrastée que la première partie, cette « suite » alterne des moments où on a l’impression de visionner un film en noir et blanc (scènes de prison) avec des scènes plus chaleureuses, notamment parce que nous sommes cette fois-ci avec Akiko et Yuka, plus volontaires et poussées vers le positif ou constructif que Sae et Maki. Quelques brefs flashbacks rappellent aussi l’ambiance insouciante puis le drame d’il y a 15 ans.

La longueur ainsi que la construction justifient le découpage en deux films distincts pour le cinéma. Les révélations finales qui se succèdent en cascade sonnent un peu trop comme une belle mécanique élaborée de façon assez machiavélique. Au final, voilà de toute façon un film qui mérite largement d’être vu. Une mise en scène de toute beauté bien mise en valeur par des interprètes irréprochables. Ainsi Akiko présentée en pleine crise d’adolescence, passe d’une attitude fermée de rebelle peu soucieuse de son apparence à une charmante jeune fille enjouée dès lors qu’elle se sent admirée. En deux temps trois mouvements, son nouveau look la métamorphose.
Electron
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le 7 juin 2013

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