Depuis toujours, le cinéma s’est placé aux travers d’œuvres fortes et existentielles comme témoin de son temps. Un révélateur qui met au pilori notre société sur ses heurts et malheurs et qui s’achève en venant coiffer cette morosité par un insolent optimisme.
Shortbus participe magnifiquement à ce genre cinématographique. C’est une jouissive chronique désespérée de deux couples et d’une célibataire très endurcie en panne d’une réelle sexualité. Nous les suivons jusque dans leurs débats les plus intimes au sens propre comme au sens figuré dans leurs quêtes du corps idéal. Ce même corps qui nous est montré de manière abrupte presque à l’état sauvage d’une beauté pudique et qui n’est que la représentation de l’autre que l’on espère toujours plus différent, performant et désirable.
Cette chasse à l’autre n’est en définitive qu’une conséquence de l’après 1968 où tous les tabous levés et toutes les aspirations permises, l’individu ne peut exister qu’à travers le besoin d’un absolu chimérique qui n’existe pas. On simule, on se blesse, on joue, on fanfaronne… On en oublie les vraies valeurs celle de vivre pour soi avec et au travers de l’autre.
Cette utopie sexuelle déniée, entre autre, suite du 11 septembre, jour où sont tombés les grands fantasmes qu’ils soient sexuels où non, retombe dès que l’individu se regarde et prend conscience d’une réalité qui certes n’est pas idéale mais apporte bien des satisfactions.
Mené avec un esprit frondeur, ce film touche infiniment et fait mouche même dans ce qu’il y a de plus cru. Les scènes sexuelles n’étant pas moins choquantes que les intentions purement égoïstes des uns et des autres. Et il suffit d’un incident pour que toute la ville se sente à nouveau « revivre » et que ces habitants tombent les masques libérant l’instinct primaire, celui qui révèle l’amour vrai et vient contredire le mensonge.
Subtil, d’une grande profondeur, d’une humanité sans calcul et très maîtrisé, Shortbus s’impose comme un film qui marquera sa génération.