À travers Shotgun Stories et d’autres films similaires ces dernières années, on serait tenté de dire que le western du 21ème siècle a troqué ses winchesters et ses plumes pour un imaginaire plus contemporain. Certes, La figure du cow-boy porte encore le mutisme comme une seconde nature, de pair avec le Stetson, mais aujourd’hui son canasson est devenu pick-up; son ranch, une bâtisse qui tient plus de l’abri retranché que du Home sweet Home…
La conquête de l’Ouest étant révolue, les grandes plaines conquises et « civilisées », les descendants de nos hors-la-loi et autres sheriff n’ont plus que leur proche voisin pour s’entretuer. De l’indien étranger et extérieur à sa communauté, la distance avec l’ennemi n’a cessé de se rétrécir, pour en ce qui concerne Shotgun Stories, faire de la cellule familiale le lieu du duel. Le canevas est simple: la mort d’un patriarche amorce les hostilités. Respecté par les uns et désavoué par les autres, sa survie maintenait l’ordre dans une fratrie dissonante. Le voici entre 4 planches, et ces propres fils nourris aux ressentiments depuis des années vont enfin pouvoir dégainer les fusils de chasse.
Jeff Nichols avec Shotgun Stories rend visite au, plutôt que revisite, le mythique Far West. Le cadre n’a pas changé d’un iota depuis la Prisonnière du désert. Ces mêmes paysages indéfiniment plats, cet horizon à n’en plus finir, champs et prairies à perte de vue, parfois terminé par un cours d’eau ou une colline. Et la lumière, si naturelle et mordorée, comme en berne devant les évènements présentés à son éclaircissement. Dans cet univers, le film, étonnamment court (moins d’1h30), échauffe de plus en plus une haine latente, renfrognée par le temps. Son tour de force est de ne justement jamais précipiter les actions. Malgré sa durée restreinte, Shotgun Stories prend donc le temps. Le temps de montrer la solitude des héros, le temps d’illustrer leur désarroi profond avant de déclencher l’inéluctable chute. Il se permet même le luxe d’accumuler les ellipses dans sa narration. Elles ne sont jamais frustrantes car elles s’insèrent parfaitement, comme logique dans la volonté du film de garder une montée en tension progressive ou ne jamais verser totalement dans une violence qui trancherait avec le calme apparent des protagonistes. Aussi quelques pointes de colères furieuses jalonnent le film, mais le rythme lancinant reprend toujours le dessus.
Le rendu de cette atmosphère si pesante est clairement le premier atout de Shotgun Stories. Les personnages baignent dans cet univers de mort, assommés par l’inanité de leur existence ou par le poids des remords. Le film montre plus qu’il ne parle, les non-dits sont assourdissants, et les coups de feux, presque éteints.