Shutter Island m'avait bluffé au cinéma, et la donne n'a pas changé quelques années plus tard au terme d'un second visionnage ; cette adaptation du roman éponyme de Dennis Lehane par Martin Scorcese, ici en tandem pour la quatrième fois avec son acteur fétiche Leonardo DiCaprio, constitue en effet un thriller des plus percutants de par son ambiance oppressante et son dénouement à même de vous déboussoler.
On pourrait d'ailleurs en dire qu'il mérite largement deux lectures cumulées afin d'en saisir toutes les subtilités, celui-ci étant truffé de détails annonçant clairement la couleur ; lors de sa découverte sur grand écran, Shutter Island m'avait en ce sens eu en beauté, ses révélations déstabilisantes ne manquant pas de fouler du pied les certitudes du spectateur.
Ce puzzle tortueux pareil à une gigantesque mascarade s'avère donc foutrement mémorable de par son récit efficace et un suspense aux petits oignons ; celui-ci nous happe d'entrée de jeu au gré d'une musique exagérément pesante, alors parfaitement couplée à une photographie poisseuse, ce qui sert au mieux l'introduction de Teddy Daniels.
On suit donc le cheminement de cet US Marshal, chargé d'enquêter sur la disparition d'une patiente d'un hôpital psychiatrique particulier, celui-ci étant situé sur l'île de Shutter Island et qualifié à juste titre de "haute sécurité" ; que dire si ce n'est que ce plantage de décor, au sein duquel va évoluer un Teddy de plus en plus troublé, s'attache notre attention avec aisance, les zones d'ombres ne cessant de s'accumuler tandis que le doute s'installe partout.
Au regard de cette multitude de situations, attitudes ou encore dialogues équivoques, le scepticisme est ainsi rapidement de mise, mais Shutter Island s'avère suffisamment habile pour entretenir le mystère de bout en long, on se retrouve de ce fait et au même titre que le tenace marshal pris au piège de cette île démoniaque ; l'intrigue très efficace gagne de plus en intensité au travers de cette fameuse atmosphère, littéralement glauque par instants, qui maintient une tension lancinante au sein de cet environnement suffocant comme pas deux.
Pour parachever ce joyeux tableau, les divers personnages sont excellents, la figure centrale qu'est Teddy Daniels bénéficiant entre autre d'un développement captivant (de l'importance des songes mêlés aux flash-backs) ; assurément le casting n'est pas en reste, l'impressionnant DiCaprio s'entourant en l'espèce de Mark Ruffalo ou encore de l'indémodable Ben Kingsley, ici parfait en tant que docteur empathique.
Bref, la trame est prenante de A à Z fort de ces quelques points, tandis que Martin Scorcese dote le tout d'une savante mise en scène ; et si le long-métrage manque quelque peu d'identité en terme de musique (pas de BO propre), son efficience est telle que rien ne saurait entraver son bon déroulement, à l'image d'un final haletant.
La mise en lumière d'une prétendue vérité, premier rebondissement grisant parmi tant d'autres, nous laisse alors pantois, ce brusque retour au sein d'un cadre semble-t-il réel contrastant pour le mieux avec la perte de repères progressive de Teddy Daniels ; un superbe tour de force en somme, d'autant que Shutter Island se paye par la suite le luxe de maintenir une ambiguïté déroutante au gré d'une réplique éloquente et d'un ultime plan diabolique...
En résumé le scénario de Laeta Kalogridis s'apparente à une adaptation réussie du roman de Dennis Lehane, Shutter Island constituant l'un des tous meilleurs thriller parus ces dernières années ; il convient également de rendre hommage à DiCaprio, qui se fend là d'une interprétations aux multiples facettes, à l'image d'une intrigue et de ses ressorts dérangeants à même de susciter bien des interrogations.