Jeanne,architecte timorée,est larguée par son mec qui en plus obtient la garde de leurs deux enfants.Elle est complètement déprimée mais,une nuit d'orage,elle constate qu'un appareil masculin lui est apparu entre les cuisses,ce qui va évidemment changer sa vie.Ce second film écrit et réalisé par la comédienne Audrey Dana ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices.On pouvait craindre à la fois la grosse gaudriole bien grasse,le manifeste féministe hystérique et la propagande transsexuelle.Rien de tout ça finalement,Audrey prenant adroitement le contrepied de tous ces écueils.L'argument de base n'est certes pas très neuf car ces histoires de transformations physiques ont souvent fait les beaux jours du cinéma comique,et la cinéaste aligne les références.Des changements de sexe à la faveur de nuits d'orages,ça s'est déjà vu,tout comme le stip-tease final dévoilant une anatomie inattendue ou le mec qui se coince la bite dans sa braguette.On pense donc pêle-mêle à des oeuvres telles que "Dans la peau d'une blonde","Le derrière","Mary à tout prix","Didier" ou "Ted",car nos amies les bêtes ont droit aussi à leurs "transitions".Le début du film,très laborieux,confirme les préventions qu'on pouvait nourrir.L'humour pèse des tonnes,ce qui est aggravé par l'interprétation d'une Dana qui ne surjoue même plus mais fait carrément dans la crise épileptique non-stop.Mais à partir du moment où l'héroïne surmonte le choc,qui est rude,et assume son nouvel état,tout s'arrange pour elle et pour le film.Se succèdent alors à un rythme soutenu des séquences barrées à mort et horriblement gonflées.Jeanne s'épanouit et embellit à vue d'oeil en même temps qu'elle découvre la condition masculine tout en restant structurellement une femme.Audrey ose tout,ça déménage et c'est désopilant car elle trouve plein d'angles d'attaque et a rédigé des dialogues ciselés d'une intense drôlerie.La voilà donc qui tente de baiser sa meilleure copine,pas de cheval,qui déflore la vigile de son entreprise,qui est au bord de violer son ex-mari après l'avoir drogué,qui se branle non-stop,qui reluque le boule des gonzesses et qui finalement tombe amoureuse de son collègue de travail,attirance réciproque,ce qui ne manquera pas de poser un léger problème lorsque le gars voudra glisser sa main dans sa culotte.Si on est un tant soit peu délicat,on peut trouver tout ça vulgaire,évidemment,et il vaut mieux apprécier un minimum le trash et le cash.Ceci dit,le film ne se contente pas d'être une comédie foldingue débridée,ce qui est déjà pas mal,mais développe en outre une réflexion de fond d'une grande intelligence.Il ne s'agit pas ici de stigmatiser les mecs,leur obsession sexuelle,leur machisme et leur beauferie.Il y a tout ça dans "Si j'étais un homme" mais l'auteur fait la part des choses et se met vraiment à la place d'un homme,au-delà de la caricature.Elle souligne les défauts et les manquements masculins,mais également ceux des femmes et met en évidence le fait que les hommes ont aussi leurs raisons,leur sensibilité et leur fragilité.S'appuyant sur un féminisme bien compris et apaisant,elle constate que les deux sexes n'ont rien à gagner dans la guerre radicale que proposent les suffragettes modernes.Jeanne,pourvue d'un attribut viril,expérimente les bons et les mauvais côtés des deux identités et montre qu'il est difficile pour un type normalement constitué de contenir son désir,de ne pas reluquer et draguer les filles,surtout que la beauté des femmes envahit l'espace public,dans la rue,au travail,sur les affiches,et que ce désir est légitime et ne fabrique pas forcément des porcs,des violeurs et des salauds.Audrey n'hésite pas non plus à pointer les problèmes masculins,pas si différents de ceux des filles:les séparations douloureuses,les enfants qu'on s'arrache,les pensions ruineuses à payer,les érections qui peinent à arriver au bon moment.Elle n'est pas non plus dans le déni de la différence et admet que la force masculine est supérieure et peut parfois rendre service aux dames.Ce film,en plus d'être vraiment marrant,est un appel à la tolérance,la vraie,et suggère qu'il serait plus bénéfique pour chacun et chacune de simplifier les rapports humains et d'éviter les oppositions stériles et systématiques,ainsi que la perception d'autrui par le biais de clichés parfois vrais mais qui cachent des vérités un peu plus complexes.Dana l'actrice,passée l'entame déconcertante du film,se livre à fond dans une interprétation magistrale d'un personnage qui traverse bien des états physiques et émotionnels,et elle est d'une beauté scotchante.Elle s'est en outre entourée de partenaires de grande classe qui cimentent le film.Eric Elmosnino promène sa classe habituelle et sa justesse absolue en faux séducteur vulnérable.Christian Clavier compose un gynécologue dépassé par le problème de sa patiente,comment ne pas l'être,et démontre une nouvelle fois sa maîtrise du tempo comique.Ce médecin évite soigneusement de rassurer Jeanne,ce qui entraîne des échanges verbaux tordants comme celui-ci:"je n'ai plus d'avenir,à part devenir monstre dans un cirque!" "mais non,pas du tout,ou alors un très grand cirque".En bonus,il y a la délicieuse Alice Belaïdi,sexy et lumineuse en amie fidèle et amante faussement libérée et une apparition du géant à sale tronche Guillaume Delaunay,le Richard Kiel français.Et la bande-son comprend le génial "I love rock'n roll" de Joan Jett,qui fait toujours plaisir à entendre.