Sibel est sans nulle doute la plus belle surprise cinématographique du premier trimestre 2019, signé d'un duo franço-turc (Guillaume Giovanetti/Cagla Zencirci) qui en est déjà à son troisième long-métrage. Le film échappe aux étiquettes, entre fable forestière, ouvrage politique, portrait féministe et documentaire ethnologique. Qu'importe, comme le disait le titre d'un film cubain, il y a 20 ans, dans ce petit village du nord de la Turquie, la vie c'est siffler. D'autant plus quand on est muette comme Sibel, exploitée par son père, méprisée par sa soeur et ostracisée par la communauté. Une handicapée sociale qui trouve refuge dans la forêt et y traque un hypothétique loup (le verra t-elle ?). Ce personnage de sauvageonne qui rappelle un peu Manon des sources, les chèvres en moins, est aussi proche des jeunes femmes de Mustang. Quant à la place de la nature, elle a la même importance que dans les films de Semih Kaplanoglu (Lait, Miel, ...), en moins contemplatif, cependant. Car l'originalité de Sibel tient aussi à sa progression dramatique et à la révélation du tempérament fougueux et intransigeant de Sibel qui va finalement s'affirmer dans cette société patriarcale, engoncée dans des coutumes d'un autre âge. L'actrice qui incarne Sibel, est très connue en Turquie, mais aucunement en France, ce qui augmente le plaisir de la découverte d'un visage on ne peut plus expressif, puisque privé de mots. Damla Sönmez est tout bonnement inoubliable !