Les appels à la liberté, ils passaient par les armes ou par la parole. Avec Sibel, il faudra y ajouter le sifflement. Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti signe une fable d'émancipation d'une brutale sincérité. Jouant à merveille sur les oppositions, il fait de son héroïne muette le contrepoint éloquent à ces générations de femmes dont la parole a été annexée par le charabia fondamentaliste. Sibel (bouleversante Damla Sönmez) incarne cette notion bravoure dans le sens le plus noble, une insoumise pour qui le dépassement de soi va d'abord passer par l'acceptation de soi. Abordée de la manière la plus naturaliste possible (caméra à l'épaule, pas de musique), le film happe par l'efficacité d'un dispositif ne s'embarrassant pas d'emphase inutile, même si cela se paye au prix d'une romance quelque peu bâclée.
Dans la forme, le long-métrage est un conte stricto sensu, le récit mêle quête intérieure et mise en cause des traditions, bien que Sibel ne fasse jamais l'erreur de les réprouver dans leur globalité. La langue sifflée - parfaitement authentique - en est une preuve. La femme debout devient l'égal du loup qu'on rejette. Lui hurle à travers la nuit pour communiquer avec ses semblables, elle siffle pour que le jour se lève sur les âmes opprimées. De vraies chimères.