Sicario par Stanleywhite

Quinze ans après « Traffic »de Soderbergh (déjà avec Benicio Del Torro), Denis Villeneuve s’intéresse au problème des Cartels de la drogue au Mexique.
"Sicario" nous plonge rapidement dans un déluge de violence, de manipulation politique, de tension insoutenable, qu’on vit au travers d'une jeune recrue du FBI, pleine d'idéaux, et dont on partage les angoisses, les doutes, la fascination et le dégoût ( Emily Blunt, fascinante dans un rôle physique proche de celui de Jodie Foster dans le « silence des agneaux »)
Chez le réalisateur canadien, la violence est traumatisante, quoique plus souvent suggérée que réellement montrée ( la scène de torture vécue au travers d’une bouche d’aération, les flingages filmés en infra-rouge, des corps retrouvés mutilés,..) et il aligne les morceaux de bravoure ( la scène ébouriffante du transfert de prisonnier à la frontière…) et des moments de tension psychologique pure sans jamais se relâcher.
Par ailleurs, « Sicario » s’impose comme une claque sensorielle avec ce travail sur la lumière, dû au chef-opérateur Roger Deakins (injustement oublié des Oscar depuis 15 ans malgré ses prodiges réalisés sur « Skyfall », « No country for old men », « Prisoners »,…) , qu’elle soit quasi-aveuglante, dans les scènes diurnes du désert mexicain ou fortement contrastée dans les nombreuses scènes nocturnes (avec en point d’orgue celle du tunnel filmée en infra-rouge), mais aussi avec cette expérience sonore assourdissante( de la bande-son anxiogène de Jóhann Jóhannsson aux détonations ou impacts de balles d’un réalisme sec).
Denis Villeneuve a réussi avec ce grand thriller paranoiaque un coup de maître.
Son cinéma virtuose et immédiatement identifiable s’affirme film après film comme l’alternative inespérée à celui des Michael Mann ou Christopher Nolan, et en devient donc indispensable.