Apocalypse Ñow
Ce qui fait de Denis Villeneuve, depuis maintenant quelques années, une véritable valeur sure du cinéma nord-américain, c’est qu’il est tout sauf un pur produit hollywoodien. Prisoners n’était pas...
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le 10 oct. 2015
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« Polytechnique » l’a propulsé vers la curiosité, puis « Incendies » et « Prisoners » l’ont confirmé dans une aisance esthétique qui lui colle déjà à la peau. Denis Villeneuve est, en effet, rigoureux dans son appréhension de la photographie. Il le répète sans cesse jusqu’à ce qu’on identifie bien ce pour quoi nous nous déplaçons afin de contempler ses œuvres. Cependant, il lui manquait une matière importante dans ce projet. Il fallait Taylor Sheridan à l’écriture pour que la symbiose s’installe parfaitement. Il dévoile avec réalisme ce que les États-Unis et le Mexique ont de toxique sur le no man’s land qui demeure obscur pour beaucoup.
Frontière sans foi ni loi, les opérations de forces américaines sont compromises, car l’ennemi est omniprésent dans tous les camps. C’est à travers le regard féminin de Kate Macer (Emily Blunt) que l’on découvre avec ignorance, les méfaits qui s’abattent sur le voisinage. Entre un gouvernement qui souhaite repousser les parasites et les cartels qui souhaitent faire du bénéfice contre leur gré, il y a comme une négociation tendue. La jeune agente du FBI ne joue qu’un rôle mineur vis-à-vis des contraintes qu’on lui impose. C’est avec sa fragilité morale et mentale que l’on y incruste le doute. Les intentions de chacun semblent humbles et sans faille, mais la réponse est toujours détourner au profit du suspense. La mise en scène bluffe par son élégante et sa fluidité. La lourdeur de l’environnement se fait sentir et on suffoque autant que les protagonistes qui ne tolèrent pas correctement la pression et les risques dans lesquels ils s’exposent.
De l’autre côté, nous avons un remarquable Alejandro (Benicio Del Toro), qui par sa retenue lui insuffle du charisme passif et un sentiment de mystère que l’on résout sans peine. La particularité de personnage est qu’il est porteur d’une quête personnelle, comme chacun en réalité. Si les supérieurs attendent que l’objectif principal soit un succès, rien n’empêche des personnages comme Alejandro de prendre des déviations pour y parvenir. L’électron libre, c’est lui et le commanditaire, c’est Matt Graver (Josh Broslin). Campant dans un rôle à première vue médiatique, il reflète parfaitement les ambitions d’une nation dotée d’une grande force de frappe. Les sorties au Mexique n’ont rien d’une ballade de santé et on comprend rapidement que l’enjeu est à l’échelle humaine. Un groupe de soldats n’est pas intouchable, car la zone de guerre étend ses limites pour une meilleure nuisance. Et c’est de là que le récit développe un ton brutal, sec et aride. La violence est confrontée à son paradoxe le plus simple de tous, le fait de vouloir rester en vie change tout d’un homme ou d’une femme.
Ainsi, « Sicario » signifie bien plus que « tueur à gages ». Dans cette immersion moderne et glauque de la chasse aux trafiquants, Villeneuve explore la brutalité locale des frontières sud des États-Unis. À travers l’incapacité de Kate à vouloir changer les choses, on finit par perdre espoir en la morale qui stabilise notre société. Or, ce schéma ne peut s’appliquer à la frontière et le film aura de nombreuses illustrations à proposer pour nous convaincre. Il serait alors intéressant de parsemer plusieurs pistes de réflexions, qui s’écartent énormément des problématiques initiales. C’est ce que le film impose et c’est ce que le manque de règles exige auprès des personnages, qui sont malmenés par leur passion individuelle, preuve qu’une déchirure mentale ou physique n’est jamais bien loin.
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Créée
le 29 sept. 2022
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