Denis Villeneuve est maintenant considéré comme l’un des réalisateurs les plus importants et les plus doués de sa génération et démontre avec Sicario, qu’il est là pour rester. Sicario appartient à cette catégorie de thrillers qui vous oblige à rester les yeux collés à l'écran, du générique d’ouverture à la toute fin du film ... littéralement, je n'ai pas pu décoller les yeux de l'écran une seule seconde, tellement on se sent pris par l'action. Ouais, c’est à quel point l'expérience Sicario fut intense pour moi.


Je m’émerveille vraiment de la façon dont ce film est si méticuleusement rythmé, sans le moindre temps mort, comme un storyboard filmé. Denis Villeneuve ne vous donne jamais une seconde pour respirer et ceci malgré ses défauts ... et des défauts, il en a, surtout concernant le scénario qui manque cruellement de profondeur. Toujours est-il que le film fascine dés le générique d'ouverture, grâce à une atmosphère très soignée et dont les codes visuels ne varieront jamais tout le long du métrage. Denis Villeneuve maintient cette ligne de conduite du premier au dernier plan et pas un seul plan semble avoir été négligé d'un point de vue visuel.


Et cette patte visuelle est au service de la mise en scène, une mise en scène qui capte votre attention dés le départ pour ne jamais la relâcher. Denis Villeneuve a cette façon unique de vous plonger littéralement dans l’action, qualité partagée peut-être avec Michael Mann et Paul Greengrass. Je pense à cette séquence d’autoroute où j’ai littéralement senti que j’étais là avec eux, à hauteur d'hommes et mais aussi à hauteur d'hélicoptère, avec cette ligne de voitures filmée de haut qui découpe le paysage en deux, nous laissant bientôt découvrir l'immensité de la ville de Juarez.


Un mot sur la photographie sublime du film, que l'on doit au chef opérateur anglais Roger Deakins, collaborateur de longue date de Denis Villeneuve, mais également de Sam Mendes et des frères Coen. On retrouve cette photo léchée de Prisoners, de Jarhead et de No Country for a Old Man, une photo jouant une fois de plus avec beaucoup de noirs, d’ombres et de lumières. Cette photo est trop belle pour être vraie et peut paraitre donc artificielle. C'est un équilibre difficile à trouver, car Denis Villeneuve mise tout sur le côté réaliste du film, mais seule la photo déroge à cette règle. C'était un peu aussi le cas dans Traffic de Steven Soderbergh, qui lui jouait avec les filtres de couleurs. Toujours est-il que le résultat est étonnamment réussi, à la fois très immersif et à couper le souffle.


La conception sonore de ce film est tout à fait incroyable, à la hauteur de l'aspect visuel du film. Cette ambiance sonore et la BO du film m'ont parfois fait penser à du Brad Fiedel (Terminator) ou à du Basil Poledouris (Robocop), en moins grandiloquent bien sûr. Ici nous ne sommes pas dans Terminator ou dans Robocop, la musique se fait bien plus discrète. Mais toujours est-il qu'on ressent la même tension niveau sonore, ça vous prend aux trippes. L'ambiance sonore est sombre et inquiétante, comme dans un film d'horreur.


Benicio del Toro, Josh Brolin et Emily Blunt sont tous les trois excellents. Il fallait des acteurs de ce calibre pour donner de la profondeur à des personnages, qui sur le papier semblent bien peu épais. On ne sait presque rien sur eux, ne communiquent pas beaucoup, mais d'un simple regard nous en disent tellement plus. Emily Blunt est un bon agent modèle du FBI qui suit les règles à la lettre, mais qui sent bien qu’elle perd du terrain sur les trafiquants, qui eux progressent. Elle accepte donc de se mettre au service de quelqu’un de plus puissant, joué par Josh Brolin qui est brillant dans son rôle. C'est un homme qui semble peu charismatique de premier abord avec sa tenue négligée au travail (en tongs), mais c'est pour mieux cacher la nature secrète de sa mission, à savoir trouver et anéantir le big boss du trafique local ... et ceci quelle qu'en soit le prix ! Josh Brolin endosse donc le rôle du "mal nécessaire". J’ai adoré sa façon d'opérer, de façon très chirurgicale, en partant du bas pour arriver tout en haut de la chaine de commandement des trafiquants.


Mais l’acteur qui vole la vedette à tout le monde dans Sicario, c'est bien Benicio del Toro dans le rôle d'Alejandro, un personnage totalement énigmatique. Benicio del Toro interprète son personnage de façon très subtil et il se dévoile lentement au film du long métrage. Chaque fois qu’il apparait à l’écran, même quand il ne fait rien, en fait il fait quelque chose (un geste ou un regard) qui attire votre attention. Le film suit d'abord le point de vue du personnage interprété par Emily Blunt, mais lors du derniers tiers du film on bascule du côté de Benicio del Toro et c'est à ce moment là que son personnage prend toute sa dimension ... grâce à l'écriture du personnage, mais aussi et surtout grâce à l'interprétation très charismatique de Benicio del Toro.


Mais voilà, il y a un mais. Le fait qu’il n’y ait jamais une intrigue clairement définie, ne permet pas de rendre le film aussi intéressant qu’il devrait l’être. Denis Villeneuve a vraiment du mal à donner une ligne de conduite nette et claire au scénario et ne trouve pas de résolution satisfaisante au récit. A la fin, du film il ne vous reste que des thèmes, des personnages, une atmosphère et une impression de tension permanente, mais l’intrigue n’offre pas de réflexions intéressantes et pas assez de questionnements moraux, contrairement à Prisoners ou à Enemy. Il y a aussi un personnage totalement inutile, avec le partenaire d'Emily Blunt interprété par Daniel Kaluuya (aka Chris dans Get Out de Jordan Peele), qui ne semble jamais comprendre pourquoi il est là ... et du coup, nous non plus, on ne sait pas pourquoi il est là !


Malgré certaines réticences, c'est assez remarquable ce que Denis Villeneuve réalise en moins deux heures. Ce qui aurait pu être un drame policier très générique, est en fait l’un des films policier les plus atmosphériques et les plus tendus que je connaissance. Seulement dommage que le fond ne soit pas là la hauteur de la forme.

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le 18 avr. 2022

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lessthantod

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