Apocalypse Ñow
Ce qui fait de Denis Villeneuve, depuis maintenant quelques années, une véritable valeur sure du cinéma nord-américain, c’est qu’il est tout sauf un pur produit hollywoodien. Prisoners n’était pas...
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le 10 oct. 2015
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Le premier visionnage de Sicario laisse les mêmes traces d'uppercut à l'estomac que Prisoners, laissant le spectateur le souffle coupé, chancelant, hébété. Car il est pris à la gorge dès les premières minutes de cette plongée en véritable zone de guerre. Il se débat littéralement dans le film, comme Emily Blunt se débat dès lors qu'elle passe de l'autre côté du miroir. Cette nouvelle Alice, simple témoin, évolue en aveugle, dans un monde qui lui est totalement étranger et qui la dépasse, seul élément féminin d'une équipe lointaine et sans concession qui la manipule et la dupe.
Leur croisade contre les cartels devient le terreau d'une tension de tous les instants, palpable, soulignée par une musique oppressante, qui se ressent même à bord d'un 4x4 à l'arrêt pris dans les embouteillages, la menace statique mais réelle se dessinant dans l'angle de la vitre d'une voiture dans une file voisine. Jusqu'à l'explosion d'une violence fulgurante et aussi sèche que les balles qui sifflent.
Mais Sicario, par ce qu'il propose et le point de vue qu'il adopte, se montrera peut être un peu chiche en action pour l'amateur désorienté d'affrontements viscéraux entre trafiquants et police. Denis Villeneuve et son scénariste les remplacent par un long questionnement sur une morale qui, finalement, semble n'avoir jamais existé à Juarez. Car à force de filmer et de donner corps aux idéaux d'Emily Blunt que l'on étrangle, l'ambiguité de Benicio Del Toro et l'absence de scrupules de Josh Brolin, le réalisateur semble affirmer qu'ici, dans la poussière et la canicule, le bien est absent, qu'il n'est qu'une abstraction lointaine depuis longtemps oublié. Pas de frontière dans ces empoignades consanguines, ces luttes inutiles, pas de frontière pour qualifier les méthodes et les actes, alors que celle séparant le Mexique des Etats-Unis n'aura jamais été aussi lourde.
Ce que Denis Villeneuve semble ausculter en creux, à travers Sicario, c'est ce que ce combat perdu d'avance cache, comme les murs de la maison prise d'assaut dès les premières minutes, occultant une quarantaine de cadavres emballés, victimes anonymes. Comme cette femme décapitée et cette fille jetée dans l'acide, qu'on ne fait qu'évoquer. Comme ces feux d'artifices nocturnes, expression d'affrontements sans fin. Et le plus incroyable, c'est que Villeneuve se passe souvent d'images pour dresser son constat saisissant et funeste.
Doté d'une superbe plastique, tendu, tout aussi anti-héroïque qu'anti-spectaculaire, d'un réalisme saisissant et immersif, Sicario ouvre les cages de ses loups pour leur faire prendre possession d'un territoire désertique qui servira de décor à un thriller étouffant. Puissance d'un tour de force épuré aussi rare que fulgurant.
Behind_the_Mask, qui n'ira jamais en vacances au Mexique.
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le 15 févr. 2016
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