SICK OF MYSELF, malade de soi-même, une tentative de définition du narcissisme ?
Comparé à son homologue suédois, Ruben Ostlund, notamment pour son travail autour du monde de l’art contemporain (The Square, 2017) et surtout pour Triangle of Sadness, concourant la même année au festival de Cannes en compétition officielle, le Norvégien Kristoffer Borgli présentait en 2022 son étonnant SICK OF MYSELF dans la section Un certain regard.
Signe, jeune trentenaire barista, vit à Oslo avec son fiancé Thomas, créateur d’installations artistiques fabriquées à partir de meubles design volés qu’il expose comme siens. A tendance mythomane, en manque d’attention constant et dans l’ombre de son petit ami, la jeune femme se propulse constamment sous les projecteurs. Lors du dîner du vernissage de la première expo de Thomas, entourée de la haute sphère intello de la capitale norvégienne, Signe simule une grave allergie aux arachides en s'engageant si profondément dans l'acte que tout le monde y croit. La célébrité de Thomas augmentant, Signe décide de se droguer à un traitement d'anxiolytique russe dont elle connaît pertinemment les effets secondaires : de violentes éruptions cutanées qui vont totalement la défigurer. Signe cherche l’attention de ses proches et de la société. Son cercle s’inquiète et la presse s'empare du sujet : objectif atteint.
SICK OF MYSELF souffre d’une maladie pas si rare au cinéma dont aucun traitement n’existe pour son spectateur : la lourdeur. A vouloir critiquer si fort la société qu’il côtoie peut-être lui-même, le réalisateur s’embourbe dans une anti-comédie romantique noire qui caresse le body horror. Portant un cynisme assumé, une école du “ciné-moralisme scandinave” se crée avec son voisin suédois Ostlund. C’est ici l’exploitation de la douleur qui crée une satire écrasante et grossière de la société bourgeoise et du monde des influenceurs. Les images frontales frappent le spectateur mais toute empathie se dissout à mesure des prises de cachets dévastateurs pour sa santé. On déteste ce couple narcissique égomaniaque qui est montré mais qui semble fascinant par la compétition qu’ils animent entre eux. Ils se bouffent et se détruisent dans différents décors de la bourgeoisie culturelle moderne : vernissage, repas entre artistes, photoshoot,... Des situations poussées et exagérées.
On nous montre un narcissisme masculin avec un petit copain étoile montante de l’art contemporain osloïte design, qui naît d’un trop plein d’attention et un narcissisme féminin avec une fiancée dans l’ombre de l’artiste prenant source dans le manque. Ici, les personnages deviennent des avatars de ce qui a de pire dans le narcissisme (sans savoir s’il y a du meilleur). Signe est responsable de propre défiguration, on pense à Titane où le personnage cherche à fuir sa condition. Ici, la protagoniste se détruit pour avoir la sensation d’exister. Un postulat bien triste que cette femme qui est est assez vide d’elle-même et prête à tout pour sortir du lot, susciter l’apitoiement, tout en se détruisant. Défigurée, la dysmorphie nouvelle du personnage intéresse et attire, illustré par les journaux qui tire son portrait ou encore une agence de mannequinat trendy au “catalogue” de modèles “inclusives et handicap-friendly”. Ou comment faire du fric avec du freak.
En somme, SICK OF MYSELF est une parabole. On comprend les allégories prenant source dans un couple bancal, qui se noie dans une toxicité mutuelle. Le film réussit dans la projection d’images mentales que Signe s’imagine où l’on comprend les fantasmes du personnage mais se perd dans son traitement. Mais si parabole il y a, où est la morale ? Si nous sommes tous malades d’individualisme, quel remède ?