D'un côté le sujet ne me branchait qu'à moitié, de l'autre maître Scorsese était à la réalisation, ce qui change évidemment beaucoup de choses, même si le risque d'ennui (notamment au vu de la durée) me laissait quand même quelques craintes. Et pourtant, au-delà de la maîtrise impressionnante du cinéaste, d'une photographie en état de grâce et de quelques plans prodigieux, le tout porté par une ambiance sonore du plus bel effet, c'est bien tout le film qui m'a fait très forte impression. Difficile en effet de ne pas s'interroger longuement et profondément sur les différentes questions posées par l'ami Martin concernant la religion et les choix impossibles face auxquels elle peut mettre parfois les femmes et les hommes. À la fois très apaisée et parfois d'une grande violence, l'œuvre parvient avec beaucoup d'intelligence et de nuance (notamment dans les rapports entre Rodrigues et Inoue) à ausculter les rapports humains, mélange habile entre chantage et séduction, les nombreux échanges entre les deux protagonistes étant éclairants à plus d'un titre.
Cela aurait pu être ennuyeux et interminable, mais l'auteur de « La Dernière tentation du Christ » sait y faire pour donner sens et beaucoup de puissance à de nombreuses répliques, le cas de conscience quasi-impossible auquel est confronté le Père Rodrigues (très bien interprété par Andrew Garfield) :
renier sa foi ou envoyer à la mort des dizaines d'innocents ?
Traitée avec beaucoup d'habileté du début à la fin, Scorsese parvient à mettre en lumière tout ce que cette question implique humainement et moralement. Dommage alors que l'épilogue soit inutilement longuet et certaines scènes légèrement répétitives, mais au vu de la beauté et de la force générée par l'entreprise, sur un thème difficile rendu presque passionnant, « Silence » apparaît comme un incontournable de ce début d'année : Marty, encore et toujours au sommet du mont hollywoodien.