Sur le papier, Sils Maria a presque tout contre lui : un scénario très écrit et très bavard prenant pour thème un sujet on ne peut plus bateau, l'arrogance de la jeunesse versus le renoncement du milieu de vie, tout ça par le prisme d'une comédienne qui répète l'autre rôle d'une pièce qui l'a révélée 20 ans plus tôt...
Olivier Assayas en fait un beau film qui accroche dès le premier plan et qui, sans un épilogue un peu laborieux et une seconde partie trop étirée, aurait pu être un très grand film. D'une élégance rare, tant dans la mise en scène que dans le montage, utilisant magnifiquement des procédés aussi simples que le fondu au noir ou les inserts [que les Alpes sont belles !], ponctuations subtiles, respirations salutaires, temps de pause souvent puissants, composant la variation lumineuse du destin classique d'une actrice en plein questionnements, Sils Maria résonne en nous avec une intemporalité troublante.
Il va bien falloir admettre une évidence, définitivement : Juliette Binoche est une grande actrice. La première partie du film, la plus belle, la plus puissante finalement, nous la montre si profondément subtile et changeante, si habitée par son personnage, ce personnage si proche d'elle dont elle ne fait jamais la caricature, qu'elle enrichit sans cesse de fines nuances, d'infimes variations, possédant un rôle écrit pour elle et qui rayonne au cœur d'un film qui parle de femmes pour certaines admirables, ces actrices qui nous troublent tant.
Et Kristen Stewart, quelle classe ! C'est elle qui ouvre le film dans un plan banal : secouée par le mouvement du train dans lequel, calée dans le couloir, elle tente d'avoir une conversation téléphonique, elle impose une maîtrise bluffante. Parfaite et lumineuse, lovant sa silhouette racée dans le rôle ardu de l'assistante dévouée qui finit par étouffer, elle illumine le film par sa beauté et un jeu aussi réfléchi qu'animal.
Puisque Sils Maria est un film d'actrices, citons enfin Chloë Grace Moretz dont le talent n'est plus à démontrer et qui réussit, en quelques scènes, à incarner à la perfection une jeune actrice minaudante, souvent insupportable, mais parfaitement à sa place dans la dramaturgie installée par Assayas, sorte de choc des cultures et des générations qui réussit à ne [presque] jamais sonner faux.
Si l'on peut regretter une fin de deuxième partie qui perd le rythme, les répétition tournant alors un peu à vide juste avant le tournant final, et un épilogue moins élégant, saluons la maîtrise d'un film qui réussit à rendre léger un sujet lourd et parvient à nous captiver malgré la redondance du propos. Saluons Juliette. Saluons Kristen.