Bavardages, hommage et huis clos féminin au grand air
Je n'ai vu que deux films d'Olivier Assayas, le critique reconverti, à la carrière reconnue. Irma Vep (1996) qui, je ne le cache pas, m'avait relativement fasciné et m'a fait découvrir Nathalie Richard, relayée malheureusement aux seconds rôles. Après Mai (2012), une énorme déception, affaissé par des acteurs débutants sans âmes et d'une durée excessive pour l'inaboutissement d'un scénario porté uniquement sur le souvenir d'une période dont on a trop parlé.
Ne jamais vous fier à une bande annonce!!! Celle-ci semblait vanter les mérites d'une pseudo histoire d'attirance malsaine sur fond de météorologie symbolique. Des extraits étaient tirés du dialogues que répètent les deux actrices principales, Binoche et Stewart, toujours filmées avec le plus grand des respects.
Malheureusement, le verbe l'emporte sur le geste et le discours est trop appuyé, intellectualisé. Le squelette du scénario est simple: le déclin d'une actrice âgée face à la relève pédante. Assayas se plait à jouer avec l'ambiguité réalité/fiction, sans jamais apporter d'ambiguité ni de mystère. La relation entre l'actrice et son assistante n'est en aucun cas inquiétante et ne soulève jamais plus d'intérêt qu'une passivité, à long terme, qui ennuie et lasse. Je ne pense pas regretter ce trait bien que souvent à force d'étirement et de répétition, on lorgne du mauvais côté de la barrière. On assiste à l'éloge de la gente féminine actrices ou assistante sans jamais participer à leur aventure. Aventure est un bien grand mot, car il ne semble en aucun cas être question de péripéties ou rebondissements. Cela n'intéresse guère Assayas. Il faudrait peut-être creuser vers une autre définition: "Liaison amoureuse, le plus souvent superficielle et sans lendemain" au travers le réalisateur et ses actrices (rappelons-nous son mariage avec Maggie Cheung), non entre les personnages de la diégèse. En effet, comment être captivé autrement que par cette douce amère relation amoureuse instaurée insidieusement entre le regard de la caméra et ces actrices qui ne restent pas éternellement?
L'omniprésence de Google et des Ipad devient un gimmick maladroit et Assayas appuie sur le texte comme sur une compresse qui ne cache à présent qu'une ancienne cicatrice. Il faut savoir relâcher l'emprise, mais de peur de perdre ces figures tant aimées, il souligne et éternise au point de soustraire à la beauté du moment, une curiosité primordiale. Le titre originaire se rapporte au phénomène alpin "Le serpent de Maloja" d'où une énorme masse nuagueuse s'insinue au creux des montages pour suivre sa route. "The Cloud of Sils Maria" laissait plus de place à l'imaginaire!
Les effets de transition semblent prétentieux, la dilatation du temps à la limite de l'indigestion, mais pourtant malgré tout cela, on suit d'un oeil las ce théâtre d'émotions féminines. Il n'est nul question de vertige ni de sommet comme le décrit Libération. Mais de vapeur et de chemins qui, à défaut d'être sinueux ou rocheux, constituent une vallée sur laquelle passe un serpent, parent de Damoclès, qui nous rappellent que les projecteurs s'éteignent, que les ampoules grillent.
A ce titre, le film fait figure de volonté, mais ne signifie pas suffisamment intensément que l'éternité n'a d'existence que sur huit lettres.