Sils Maria est une fascinante variation sur la création et l’incarnation. Il fourmille de réflexions sur le processus créatif et l’appropriation d’une œuvre, sur le statut d’interprète, les droits qu’on acquiert lorsqu’on entre dans la peau d’un personnage, ce qu’on cède, ce qu’on lui donne. Il aborde par conséquent les questions de l’ego chez les acteurs, la perception de ses propres performances, leur rapport au temps qui passe et la question du legs et de la transmission.
Mais Sils Maria est avant tout un formidable film d’actrices. En refusant de tomber dans la caricature et en se concentrant sur le travail de Maria pour prendre possession d’un rôle avec lequel elle entretient une relation confuse et contradictoire, Assayas offre un matériel en or pour une actrice de l’envergure de Juliette Binoche, à la fois sophistiquée et terrienne. Elle traduit idéalement les états changeants (qui peuvent aller jusqu’à la mauvaise foi) de l’artiste. Une attitude qui se révèle déstabilisante pour son assistante, qui l’aide à appréhender le rôle. La relation entre Maria et Valentine, si elle est une évidente mise en abîme de la pièce que prépare Maria, ne se complaît heureusement pas dans l’ambiguïté sexuelle qu’il aurait été tentant de surexploiter. Il n’y a pas réellement de jeu de pouvoir entre les deux femmes, mais de dépendance certainement. Un besoin l’une de l’autre que l’on devine renforcé par une complicité sincère, mais que la promiscuité dans ce chalet exacerbe sans doute trop.
Binoche et Stewart livre à la caméra une performance rare, une composition à deux d’un naturel et d’une justesse tel qu’il est impossible de les dissocier. L’héroïne de Twilight est dans la lignée de ses puissantes interprétions de Welcome to the Riley, Into the Wild, The Runaways ou Sur la route, avec une pointe de maturité en plus. Oui, c’est une excellente actrice. Et courageuse, quand on connait son histoire.
Olivier Assayas filme cet intrigant jeu de miroirs sur l’art du comédien dans un magnifique et enivrant décor montagneux, avec sensibilité et tact, tout en nuances. Troublant, souvent, brillant tout autant.
Thibault_du_Verne
7

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Créée

le 21 nov. 2014

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