Le biopic, ce genre ennuyant par excellence, retrouve ici quelques couleurs. On aurait pu s'attendre à une pure proposition opportuniste toute soutenue par la dimension de son sujet, mais il y a en plus une réflexion cinématographique, une envie de mettre en situation, une volonté artistique en somme. On ne se moque pas du spectateur.
Pour autant ça n'est pas parfait, loin de là. Il y a trop de mentions purement verbales, des "tu as obtenu telle distinction, Simone, c'est très impressionnant pour une femme, blablabla", à tel point qu'on croirait parfois que le CV de Veil est le pur script du film.
Mais ce genre de maladresses reste coincé au début du film ou du moins dans son premier tiers. Par la suite on est plus dans la monstration que dans l'explication. Le montage saute d'une époque à une autre, dans une forme de désordre plutôt harmonieux puisqu'on n'est pas perdu dans la narration. Et quelque part, je me dis que cette non-linéarité est une manière d'éviter un saut trop déstabilisant d'une époque à une autre, avec un changement d'actrice brutal. D'autre part, ça permet aussi de mettre le passage de la déportation à la fin, ce qui est encore un bon choix.
On sent que les moments marquants post-déportation (dans la vie de Veil) sont avant tout des passages choisis car passés dans les médias, comme si ils étaient allés voir les archives de l'INA pour choisir les évènements à raconter. Résultat: on se retrouve (dans l'intention du film) derrière la caméra, on est sensés comprendre l'envers du décor de ce qu'on aurait pu déjà voir par ailleurs. Malheureusement ça se sent, beaucoup de moments font passage obligé, bien que tout ne semble pas si important.
Du reste, je trouve le montage assez efficace, et l'agencement des séquences est bien choisi comme je le disais plus tôt. Mais ce n'est pas qu'une question de compréhensibilité, il s'agit aussi de narration, de compréhension globale. C'est à cet égard que le choix de mettre la déportation à la fin est efficace. Ainsi, c'est celui qui reste le plus mémorable, il n'est pas effacé par la surimpression des évènements qui ont suivi, or c'est pertinent pour un film qui se veut une sorte de cours d'histoire. On comprend mieux le pourquoi. Je pense qu'on pourrait en dire plus mais au fond il suffit de voir le film et d'y penser: c'est une histoire racontée, il y a des moments qui reviennent avant d'autres et puis il y a cette remarque selon laquelle on aurait voulu que les déportés survivants se taisent au retour des camps. Ce serait alors une manière de dire "maintenant que j'ai votre attention, écoutez mon histoire".
Bref j'ai beaucoup aimé. J'avais mis un 8 au début mais en fait le genre du biopic est trop plein de tares qui m'en empêchent, désolé.