L’Amérique des suprémacistes blancs est passée au crible à travers l’incroyable parcours du repenti Bryon “Pitbull” Widner. Voici le pitch assez succinct de “Skin” du réalisateur israélien Guy Nattiv, celui-ci ayant obtenu l’Oscar du meilleur court-métrage en 2019 avec un autre “Skin”. D’une durée de 20 minutes, le récit traitait d’une guerre de gangs sous fond de racisme dans lequel Bryon Widner apparaissait déjà, ce “Skin” version long-métrage, en est une sorte de prolongement. L’Amérique des laissés-pour-compte, l’Amérique des déshérités, la désertification économique et la crise identitaire amenant la désolation sociale la plus sordide nous sont jetés au visage sans concession aucune. Aux travers d’une marche raciste stoppée par des activistes afro-américains, l’impressionnant prologue nous rappelle à quel point la fracture est grande entre les différentes communautés. Dans ce chaos et cette confusion, le réalisateur s’attarde alors sur deux personnages, le militant antiraciste Daryl Jenkins et le skinhead Bryon Widner (Jamie Bell), deux destins liés. Embrigadé depuis son plus jeune âge, par un couple de criminels notoires, Fred “Hammer” Krager (Bill Camp) et Shareen (Vera Farmiga), sa femme (le réalisateur nous les présente en véritables gourous à l’aura terrifiante), de centre d'entraînements, en expéditions punitives, Bryon est devenu au fil des années, un pion incontournable dans l’échiquier néo-nazi. Le visage et le corps scarifié par des tatouages qui sont autant d'allégeances à d’obscurs groupuscules historiques, voire mythologiques (tant l’univers onirique Viking y est souvent référencé), Bryon est un pur skinhead façonné par des années d’errance. “Skin” se pose en témoin à charge d’un prosélytisme acharné, pratiqué par de faux prophètes utilisant la violence et l’intimidation pour arriver à leur fin. Mais dans cet univers nihiliste, derrière toute cette folie et ces mensonges précipitants la société vers l’obscurantisme, Guy Nattiv nous laisse entrevoir une lueur d’espoir en la personne de Bryon que l’amour poussera à se remettre en question. Mais l’on ne quitte pas le clan aussi facilement. Le parcours empreint de rédemption de Bryon n’est pas sans rappeler celui de Derek Vinyard (Edward Norton) dans le percutant “American history X”. Tout aussi indispensable que le film de Tony Kaye, “Skin”, à travers le sevrage idéologique et la flagellation (le détatouage) de son personnage principal, dénonce une dérive identitaire et communautaire qu’il est difficile, mais pas impossible de combattre.