Apprécier The sky crawlers nécessite un temps d’adaptation aux canons du manga d’Hirochi Mori : accepter l’idée que des enfants s’entretuent dans l’indifférence générale, que les sentiments soient tus, que tous les personnages sachent s’abîmer dans la contemplation mutique d’un soleil couchant. Le contexte politique est accessoire : on admettra que dans un futur proche des compagnies privées se livrent à des guerres aériennes limitées retransmises en direct sur de grands médias, et qu’elles emploient, à cet effet, des kildren, des enfants clonés, à la croissance bloquée, éduqués et formés pour le combat. Soit.
Le travail de Mamoru Oshii est dérangeant, alternant de très brèves scènes d’action hyper-réalistes avec de longs plans statiques et des personnages évanescents au design minimaliste.
L’armée du ciel est cependant, à mes yeux, la meilleure représentation de ce qu’a pu être le quotidien des pilotes de la Seconde guerre mondiale. Des années durant, ils ont vécu sur des terrains isolés, loin du front certes, mais coupé de leur famille et de la vie, à attendre l’ordre de décollage. Mille fois, ils sont montés à bord de leur machine. Mille fois, ils ont répété consignes de sécurité et check-lists avant de s’éloigner dans un ciel froid et hostile. Le dogfight ? Quelques secondes intenses, un flash de lumière, une ombre entraperçue, la panique, des actes réflexes, un copain qui explose, brûle ou percute le sol, des douilles qui tombent, la tension qui retombe… La mort est le résultat, injuste et implacable, d’un instant d’inattention, d’une collision, d’une avarie, d’une erreur de pilotage ou, plus rarement, l’aboutissement d’une rafale imparable ajustée par un adversaire talentueux et aguerri. Guerre, où est ta noblesse ? Les chevaliers du ciel ont disparu, restent des experts, de froids assassins aux nerfs d’acier…
Décembre 2017