Skyfall convoque majestueusement passé et futur dans un sublime opus synthèse marquant les 50 années de la franchise. Sam Mendes envoie ainsi Bond tutoyer des sommets de cinéma et ses propres origines dans un récit maternel sublime et douloureux.
Skyfall est un film convoquant deux chutes : D’un côté, celle de la MGM, qui fait alors face à des difficultés financières et qui devra patienter pour reprendre la post-production de ce 25ème opus. De l’autre, celle du MI6 de la M de Judi Dench qui fait face à des méthodes archaïques ne pouvant cette fois plus faire face à une menace venue de l’intérieur, qui choisira d’atteindre à travers des cyber-attaques terroristes non pas un pays, mais bel et bien la dirigeante des services secrets britanniques.
Parce qu’il n’y ici pas de place pour une James Bond Girl, c’est la figure maternelle de M qui servira de toile de fond à un récit nous contant l’affrontement de deux monstruosités que cette dernière a engendré, incarnées par les figures d’un Bond mort-vivant et d’un des plus grands antagonistes que la saga ait jamais connu en la personne de Silva, incarné par Javier Bardem. Parce que c’est ici de véritables grands noms du cinéma qui sont derrière Skyfall, Sam Mendes et le prestigieux multi-oscarisé directeur de la photographie Roger Deakins livrent de plus un objet sublime, emmenant enfin la saga tutoyer des sommets de cinéma.
Famille dysfonctionnelle
Skyfall explore ainsi des sentiers peu empruntés par la saga. En choisissant de nous dépeindre dès une impressionnante scène d’introduction la mise à mort de James Bond, le film choisit ensuite de se centrer sur le personnage de M, dirigeante froide dont la saga aura malheureusement attendu Casino Royale pour lui offrir un peu de profondeur, et évoquer en creux la figure maternelle qu’elle incarne pour James Bond. Parce que le fil conducteur de l’intrigue c’est désormais M, Skyfall lui offre enfin un passé, un prénom et deux enfants malades. D’un côté, le James Bond de Daniel Craig, orphelin alcoolique et à bout de souffle qui n’a pour seule raison de vivre non pas la protection d’un pays mais de la seule figure maternelle qu’il ait connu. De l’autre Silva, cyber-terroriste tout-puissant qui a payé de son corps les traumas d’un métier au service de la reine où M l’a volontairement abandonné, livré à ses ravisseurs en échange d’un accord qui n’a pour seule obsession que de retrouver cette mère de substitution qui l’a transformé en monstre.
Si le film de Sam Mendes fait ainsi de son esthétique léchée une véritable occultation de la saga, le scénario ici co-écrit par le nouveau venu John Logan en démonte ainsi le schéma narratif pour l’orienter sur la personnalité trouble de ce trio maternel dysfonctionnel impérialement mené par M qui devra enfin faire répondre d’une carrière passée au service de sa Majesté. Si l’ambiance se fait beaucoup plus travaillée et plus pesante, restituant parfaitement le poids d’un ciel qui s’écroule, comme dans Casino Royale, les déflagrations seront intérieures, jusqu’à la symbolisation de la destruction du passé convoqué dans le château familial de James Bond. Parce qu’en plus de tout cela, Skyfall est un film sommaire de la saga, véritable point de rencontre entre passé et futur dans un éloge funeste et macabre absolument somptueux.
Skyfall fait ainsi se confronter la saga à son lourd héritage tout en lui ouvrant une porte sur l’avenir. Dans un savant mélange de vieilles coutumes qui ont mené la saga au culte que l’on lui voue aujourd’hui et un vent de modernité bienvenue, Skyfall convoque ce que la saga a pu engendrer de pire comme de meilleur dans un opus qui déconstruit pour mieux sublimer le monument qu’est la saga James Bond. Le temps d’un film, la saga épouse ainsi ses vertigineuses limites dans ce tableau apocalyptique d’un ciel qui s’effondre, pour mieux entrevoir l’aube d’un avenir qui s’annonce radieux, d’une saga lestée de ses anciens démons, enfin prête à en affronter de nouveaux.
Parce que Skyfall est bien plus qu’un opus anniversaire mais la relecture magistrale d’une saga qui s’effondre pour mieux se relever, Sam Mendes emmène enfin Bond tutoyer des sommets de cinéma. Au travers de figures d’une famille dysfonctionnelle et d’un passé que le film ose enfin affronter pour en tirer des desseins plus radieux et ouvrir la saga vers l’avenir, Skyfall paraît ainsi comme une parenthèse apocalyptique sublime. D’un ciel qui s’effondre jaillit enfin la lumière.
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