En 2012, la saga des James Bond a 50 ans, et Skyfall compte bien taper du poing sur la table en faisant la psychanalise de la série et de ce quelle a traversé depuis lors.
A travers un procès sur le possible démantèlement du MI-6, c'est le concept et l'idée même de la série qui est remis en cause ; est-ce que James Bond est trop vieux pour ces conneries ? Le cinéma d'espionnage a énormément évolué vers l'action à la Jason Bourne ou les Mission Impossible, et le film raconte en substance que le temps serait désormais terminé pour les agents classieux qui restent en costard.
En fait, ce qui est très intéressant, c'est que ce film propose quasiment une régression technologique, jusqu'au final où c'est l'action brute qui prime, comme si c'était parfois le plus simple qui serait le plus efficace.
C'est sans compter sur la grande qualité de cet épisode, qui a su rester dans son époque en prouvant que, non, James Bond n'est définitivement pas mort, et Sam Mendes signe un des meilleurs épisodes de la série, et la preuve qu'entre un auteur et un tâcheron derrière l'écran, on sent la différence.
Si on retrouve les conventions désormais établies depuis Casino Royale, à savoir un héros torturé, mais on en sait désormais un peu plus sur son enfance, l'idée de génie du film est d'avoir placé M en tant que vraie héroïne du film et vraie Bond Girl de l'histoire.
Magnifiquement interprétée par Judi Dench (tout de même, près de 80 ans !), elle est énormément mise en avant, ne serait-ce que par la résurgence d'un nouvel ennemi, ombre du passé, et par le fait que ses bavures (dont celle de la scène d'introduction) risquent de la faire déchoir de son titre au MI-6. Je ne veux rien raconter de plus, mais sa progression en fait un personnage magnifique, et dont la relation amour-haine qu'elle a avec Bond a quelque chose de touchant.
Dans les nouveaux arrivants, n'oublions pas Ralph Fiennes en tant qu'opposant au MI-6, et surtout la présence en fin de film du magnifique Albert Fienney en grade champêtre, qui pourrait être LA clé sur les origines de Bond.
Justement, parlons du méchant, qui est interprété par Javier Bardem énorme, avec ses cheveux blonds péroxydés. Sorte de version déjantée du Anton chigurh de No country for old men, il représente le type de némésis qui me plait, à savoir complètement fou, touchant par moments, dont les motivations sont clairement exposées et ne lui survivront pas, et qui en impose, car niveau charisme, Bardem se pose là.
Sa nature déjantée fait qu'il le joue comme si il était homosexuel, et que au fond, lors d'un formidable plan séquence d'introduction, et un sulfureux début de déshabillage d'un Bond capturé, il comprend qu'il aurait envie de se le faire, ce dont ce dernier répondra de manière très drôle.
D'une certaine façon, Bardem est un peu le prolongement du Joker dans The dark knight, à savoir qu'il a le même pet au casque, tout en semant le chaos autour de lui, allant créer des attentats un peu de partout (MI-6, métro...) et pirater les ordinateurs dont celui de M.
Parlons maintenant de la réalisation, qui est quand même d'un certain Sam Mendès, pas un débutant en la matière. Si j'aime la plupart de ses films, il n'avait cependant jamais torché un blockbuster, et quelle efficacité dans sa mise en scène ! Non seulement les scènes d'actions sont à 99 % du temps lisibles, mais il se permet de longues scènes de stases (ou d'exposition), avant que l'on comprenne que ça péter sévère. Il suffit juste de voir l'arrivée de Bond et M en Ecosse pour se rendre que ce seul plan annihile le précédent film avec 007 en termes d'ambitions.
Non seulement, c'est très bien filmé, mais Mendès a un allié de poids, en la personne de Roger Deakins, le directeur photo des frères Coen
Disons les choses tout de suite ; une grosse partie du film vient de sa qualité plastique, qui est d'un niveau inédit pour du Bond. C'est magnfiquement éclairé, dans ce tour du monde que va effectuer 007, mettant très bien en valeur les décors, souvent impressionnants, et se permet même des audaces de mise en scène comme on en raffole ; j'en cite une seule, qui est un combat à Macao entre Bond et un sbire, filmé tout en ombres chinoises. Le talent se voit quand on se rend compte que même comme ça, on sait qui est Bond est qui est le méchant.
Pour en citer une autre, le plan de Bardem, marchant dans la pénombre avec derrière lui une maison en feu a une de ces gueules...
Alors bon, le film n'est pas parfait, avec la présence réduite quasiment à néant de la Bond Girl de service, interprétée par Bérénice Marlohe et celle de Naomie Harris, qui seconde Bond dans la scène d'intro, et que l'on voit aussi trop peu, mais dont le personnage va bien évoluer, et qu'on sait qu'on retrouvera dans les prochains épisodes. Après, j'aime bien Daniel Craig, mais son côté monolithe en fait quelqu'un qui a l'air toujours raide, parcequ'il a une façon un peu... spéciale de courir.
50 ans oblige, la série fête ça avec moulte clins d'oeils, parfois très subtils (for M's eyes only), d'autres un peu appuyés, avec l'arrivée d'un nouvel agent Q qui nous fait bien comprendre que le temps de gadgets à la période Roger Moore est terminée. On y reverra aussi la fameuse Aston Martin, avec l'hommage musical qui va bien, mais aucune évocation des agents passés.
Après l'échec que fut Quantum of Solace, la série s'est très bien remise en question, et a compris que son statisme risquait de la faire échoir de son rang de saga respectable, et je pense que Skyfall est un des melleurs volets, en tout cas, j'ai vraiment trippé.
Quant à la fin, ne dévoilons rien, sauf que la série risque de prendre un autre nouveau départ, et là, ça pourait être de nouveau intéressant !