J’ai bien aimé Skyfall pendant vingt minutes et puis je me suis un peu désintéressé de la question.
Une introduction efficace, même si déjà vue, un générique convenable, le plaisir de retrouver Bond, tout cela augure de quelque chose de bien agréable, et puis, le film lasse de vouloir trop en faire. Une succession de scènes d’actions, des poursuites, des fusillades, tout cela, c’est très joli, mais il faudrait songer à se poser un peu, à donner du rythme par l’attente, par le silence aussi, en lieu et place de cette nappe musicale permanente qui fini par ne plus rien signifier du tout.
Je n’ai rien vu à Istanbul, je n’ai pas vibré à Shangaï, je n’ai même pas pu jouer à Macao, je n’ai pas navigué sur le voilier, je me suis demandé si c’était bien la peine de m’offrir une île déserte pour ne rien en faire, et pire que tout, je n’ai rien ressenti en Ecosse alors que c’était si facile…
Ca ne sert à rien d’additionner les décors sans essayer à un moment de donner un peu d’épaisseur à tout ça. Calme toi, mon James, fait donc un tour à la roulette, essaie de coucher avec une poule en nous faisant croire que ça te fait au moins un peu plaisir, laisse nous penser que ton whisky, ton martini ou même ta bière valent le coup d’être dégustés… Sans ces petites choses qui donnent à tes actions le minimum d’âme nécessaire, mon grand, j’en ai pas grand-chose à foutre de tes courses effrénées et de tes petits malheurs de héros vieillissant.
Sinon, c’est chouette comme idée, de se concentrer un peu sur Londres, de voir le siège du MI6 de plus près, ce n’est pas très bien exploité, mais ça change.
Depuis que James Bond est un pisse-froid, la série a beaucoup perdu de son petit côté BD, pourquoi pas, d’ailleurs, un peu de sérieux de temps en temps ne me dérange pas, mais dans ce cas, pourquoi affliger le pauvre Javier Bardem d’une perruque léonine qui pousse le vice jusqu’à lui donner une tête affreusement chevaline. Javier cabotine et c’est plutôt agréable, mais pourquoi cette touche grotesque qui fiche tout à plat, quelle faute de goût… Je sais bien que les méchants de James Bond sont souvent ridicules, mais ils arrivaient parfois à l’être dans le ton.
Et puis surtout, c’est quoi cette histoire abracadabrantesque de vengeance moisie qui implique des moyens et des retournements absolument ridicule vis-à-vis de la simplicité et de la petitesse de la chose… Manquerait plus de rajouter là-dessus un Œdipe grotesque et moi je vais absolument arrêter de me sentir concerné par ce déballage pathétique et absurde…
Avec tout ça, la mise en scène est correcte et ça suffit pour rendre le film bien supérieur à la majorité des films d’action actuels, mais nom de bleu ! Que tout cela est sérieux, froid, triste... Il y a un final dans les landes, avec un manoir, un passage secret, une vieille chapelle, des pièges à préparer, ça devrait être absolument jouissif et puis que nib, rien ou presque, pas d’épaisseur, de chaleur, de sensations… Il aurait fallu nous donner l’odeur du thé chaud et des toasts beurrés avant la tempête, mais pour ça, il n’aurait pas fallu suivre à tout prix le modèle scénaristique sans âme des Jason Bourne ou autres, et c’est bien dommage.
Bond a cinquante années de ménage à faire, il s’y efforce pas à pas, c’est un peu besogneux alors que ça devrait être émouvant, la maison de famille a l’air bien jolie, mais le grenier aux souvenirs a été nettoyé de fond en combles, ce qui reste ne valait peut-être pas même le déplacement…
Daniel Craig fait comme il peut avec son physique de brute épaisse, il n’a pas vraiment le chic pour porter le smoking comme l’affreuse affiche du film le prouve (et on notera au passage l’habileté de celle de Casino Royale qui lui avait fait dénouer le nœud pap…), mais offre tout de même trois jolis moments : lorsqu’il s’époussette l’épaule, lorsqu’il a un demi-agacement avant de prendre un métro et quand il encaisse la perte de sa voiture… Ca ne suffit pas à remplir un film, mais c’est déjà mieux que la plupart de ses prédécesseurs.
Autour de lui, rien à signaler, les Anglais font toujours le job, j’ai une petite préférence pour Ralph Fiennes et un petit regret pour les jeunes filles, fades et/ou sacrifiées, montrant que, décidément, ce James Bond là n’a pas les mêmes centres d’intérêt que ses modèles plus ou moins glorieux…
Je suis donc un peu déçu, peut-être que j’attendais autre chose qu’un divertissement sans saveur, peut-être que c’est déjà pas si mal de pouvoir passer deux heures vingt en salle sans trop s’ennuyer, et qu’il faut s’habituer sans rechigner à voir des films jetables, ceux qui ne laissent à la sortie absolument aucune image un peu marquante, ceux qui lassent discrètement, avec politesse.