50 balais, ça vous marque un homme. C'est un peu l'âge où l'on cesse de fêter les anniversaires, où l'on regarde le passé avec nostalgie et le futur avec angoisse. Alors, que faire ? Se refaire ? Difficile, après un demi-siècle. Rajeunir ? Même le plus robuste, au fond, n'y croirait qu'à moitié...
Quoi qu'on en pense en termes qualitatifs, le diptyque Casino Royale/Quantum of Solace permit d'amorcer la rupture en zappant quelques éléments fondateurs de la saga. D'abord perçu comme une trahison, ce changement fut accueilli à bras ouverts une fois le film de Martin Campbell sur les écrans. Le plan final de Quantum of Solace laissant quant à lui toute latitude aux scénaristes, que pouvait-on attendre de Skyfall avec un cinéaste aussi doué que Sam Mendes aux commandes ? Tout sauf Skyfall justement, le réalisateur d'American Beauty ayant choisi une approche inédite : désarçonnant ses fans comme ceux de 007, le cinéaste creuse à fond le versant adulte de la licence pour mieux conclure son oeuvre par un savoureux retour aux sources.
Ouvrant les hostilités avec une énergie qui aurait pu lui servir de climax, Mendes se paie le luxe de bâtir un film en decrescendo. Pour la première fois, on peut réellement s'imprégner de l'atmosphère et des couleurs de la saga, le rythme de Skyfall privilégiant l'attente à la destruction. Un film si maîtrisé que même son clin d'oeil le plus évident s'avère être une astuce à double détente : amorçant un final à l'ancienne, Mendes en profite pour lever un peu le voile sur les origines d'un personnage dont on réalise ne savoir finalement pas grand chose depuis cinquante ans. Ou comment rompre avec une figure iconique pour mieux en renforcer la stature. Toutes choses étant égales par ailleurs, Skyfall se laisse aller dans son dernier acte à un authentique western en plein coeur des Highlands.
La grande classe, à l'image de ce plan tout droit sorti du Old Boy de Park Chan-Wook où le bad guy et son adversaire de toujours manquent de mourir d'une seule balle. L'humour a toujours sa place chez 007, comme en atteste la première rencontre entre Bond et le génial Javier Bardem, mais la frivolité des enjeux humains a bel et bien disparu. Et le visage de Daniel Craig de s'imposer comme le plus charismatique et humain de la franchise. On sort de la salle heureux comme c'est pas permis, persuadé que l'homme responsable de cette belle réussite aurait mérité d'avoir son nom en gros sur les affiches du film. His name is Mendes, Sam Mendes.