Parfois attendu dans ses effets (le rouge, le flou) et son intrigue, ce Slalom surprend néanmoins par la maîtrise totale de l'esthétique et du sujet qu'imposent d'emblée Charlène Favier dans ce premier film remarqué.
Filmant avec un certain brio les séquences de sport, avec quelques descentes en ski assez mémorables, avec sensations de vitesse et d'immersion assez impressionnantes (la preuve encore que le grand écran demeure irremplaçable), elle filme surtout et admirablement l'emprise, ses différentes formes (entre soumission, auto-conviction, amour, rejet), les violences sexuelles et psychologiques, la sexualité à sens unique (dominée par une masculinité toxique), qu'elle mêle à l'univers souvent inhumain du sport (se faire violence, esprit de compétition morbide, etc.), sans jamais frémir de montrer ses aspects les plus durs, et, surtout, les corps, au cœur de son sujet, les corps qu'on objective, qu'on veut transformer, qu'on veut expliquer, par le sport et le désir sexuel (les deux étant intimement liés). Mais jamais ces corps ne seront objectivés par la caméra, toujours pudique malgré sa proximité.
Jouant esthétiquement avec le froid de l'hiver et les paysages, la réalisatrice plonge ses acteurs dans de permanents et habiles jeux de reflets, de matières et de flou, parvenant à isoler par d'habiles décalages de cadre l'habitée et puissante Noée Abita, et faisant surgir par derrière, comme une ombre monstrueuse autant que pathétique, l'inquiétant Jérémie Rénier, dans l'un de ses meilleurs rôles.
Pleinement maîtrisé, Slalom se montre efficace, ne se perdant jamais en futilités, gardant son rythme, et sachant se conclure sur un superbe "non" libérateur, comme un cri de guerre enfin lancé, un "non" qui donne le ton de la filmographie à venir de cette cinéaste qu'on a grand hâte de découvrir.