Sourire Forcé
Parker Finn tente de capitaliser sur le succès du premier opus en abordant des thématiques plus larges comme l'addiction et l'industrie des pop stars. Malheureusement, cette suite ne parvient jamais...
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le 17 nov. 2024
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Suite directe du premier Smile qui avait fait grand bruit dans nos salles obscures deux ans auparavant, Parker Finn revient aux manettes de ce nouveau volet avec une ambition démesurée, prêt à faire monter le trouillomètre à son maximum.
Doté d’un budget de 17 millions de dollars – les productions horrifiques ordinaires coûtant entre 5 et 10 millions pour l’immense majorité – le premier film semblait déjà hors normes pour une production horrifique, encore plus pour un film rated-R (interdit aux personnes de moins de 17 ans non accompagnées aux États-Unis). Loin des productions formatées du genre et n’hésitant pas à pousser le spectateur dans ses retranchements, le réalisateur est désormais doté d’un budget de 28 millions de dollars, ce qui lui permet de passer la vitesse supérieure : il reprend la même formule en l’adaptant à un univers plus ouvert avec une protagoniste totalement différente. Skye Riley, pop star internationale revenant sur le devant de la scène après un an de traumatisme, est la star de ce deuxième film qui annonce directement qu’il sera aussi redoutable et psychologique que son prédécesseur. Le terrain de jeu choisi par le réalisateur se trouve particulièrement savoureux pour faire le rapprochement entre la malédiction et les nombreux problèmes de certaines stars – drogue, gestion de la célébrité, culpabilité, entre autres – et rajouter à cela un traumatisme bien personnel qui, comme dans le premier volet, sera au centre du récit.
Passée une introduction en plan-séquence particulièrement musclée qui donne le ton sur l’ambition de la mise en scène, Finn rappelle la solution évoquée pour se débarrasser de la malédiction – à savoir assassiner une personne devant témoin pour transmettre la malédiction – rappel idéal pour ceux n’ayant pas vu le premier, mais peu subtil pour les autres. S’en suit l’apparition de l’écran titre, là aussi de manière originale, avant de plonger directement dans le trauma de notre protagoniste. Au cours d’une interview télévisée (menée par la scream queenDrew Barrymore), nous pénétrons dans la psychologie de Skye Riley, victime d’un accident de la route il y a un an et revient sur le devant de la scène… cependant, elle est montrée à travers un écran. En effet, la caméra zoome sur un écran de télévision qui diffuse en direct l’émission télévisée et notre point de vue en tant que spectateur est à travers cet écran de télévision. Premier sentiment d’inconfort pour le spectateur : nous ne sommes pas sur le plateau télé mais dans une pièce où la caméra filme la télévision. L’occasion est toute trouvée pour faire intervenir un screamer à tout moment. Bingo. Flash-back de notre héroïne s’arrachant les cheveux, élément qui va revenir plusieurs fois dans le film, indicateur de l’anxiété du personnage. Ce screamer intervient de manière abrupte mais est en lien avec la thématique abordée au cours de l’interview. Ce qui est plaisant, c’est que chaque screamer, au fur et à mesure du récit, va se révéler en lien avec l’histoire de Skye, le démon aimant visiblement remuer le couteau dans la plaie du traumatisme.
La saga Smile traite avant tout et surtout du traumatisme. Au cours de ce second opus, une autre solution est envisagée pour se débarrasser de la malédiction. Après l’option « tuer quelqu’un devant un témoin » dans le premier film (ayant fonctionnée pour une victime, maintenant emprisonnée), ici, il faudrait simuler sa propre mort afin de tromper la malédiction. Mais comme pour Rose, rien n’y fait, ça ne marche pas. L’option semble balayée aussi vite qu’apparue, et cela peut sembler bien frustrant. Mais pourquoi refaire cette « erreur » de frustrer le spectateur ? L’idée n’est-elle pas ailleurs ? Il semblerait que la motivation derrière le procédé soit tout autre. En effet, le démon est la métaphore du traumatisme, et la malédiction celle de la culpabilité. Dans le premier volet, Rose a laissé sa mère mourir devant ses yeux sans l’aider, et dans le deuxième Skye a causé l’accident de voiture suite à un excès de colère. Tout lui rappelle le monstre qu’elle est. Le démon la dévore de l’intérieur. Le point culminant étant dans ce climax dans la chambre froide où elle essaye de s’introduire la substance qui lui fera arrêter son cœur : comme une personne droguée se piquerait pour un dernier moment de tranquillité. Dans la séquence finale, elle réapparaît devant son public, là où elle pensait que le succès mettrait sa culpabilité sous le tapis, le traumatisme lui revient en pleine face. Skye se suicide devant son public et transmet la malédiction à tous les spectateurs présents dans la salle de concert.Un climax trop précipité ?Ce dénouement, dont les premiers fans de la saga rêvaient secrètement, semble un peu trop rapide et, par conséquent, assez frustrant. Le personnage de Morris disparaît et le spectateur comprend qu’il n’était que fantasme et faux espoir, et là où le démon se dévoilait frontalement devant Rose à la fin du premier film est ici à peine perceptible. Cependant, suite à cette trop grande violence, les choses faites différemment ici sont tous comptes faits intéressants. Smile premier du nom se terminait sur Laura se donnant la mort en s’immolant par le feu, puis un dernier plan où la silhouette en flammes se reflétait dans l’œil de Joel. Ici, à l’inverse, c’est d’abord la réaction du public qui est montrée, puis le visage défiguré de l’artiste. Cette sensation de frustration d’imaginer le suicide final hors-champ questionne notre rapport à l’image. Le spectateur en demande toujours plus. Et pourtant, niveau violence et gore, ce deuxième opus n’est pas en reste. En effet, il se démarque du premier par sa quantité de scènes gores, dont une très marquante. Au cours d’une manifestation de l’esprit de Skye, elle voit sa mère se suicider devant elle. Le gore est presque too much, kitsch, irréel, un peu comme dans le dernier Terrifier 3. Ce n’est que quelques secondes plus tard que le faux sang devient bien plus réaliste lorsque le spectateur comprend que c’est Skye qui a poignardé sa mère. Sa culpabilité n’a de cesse de s’alourdir, rajoutant une dernière pierre au traumatisme du personnage. Le démon aime manipuler sa victime et le réalisateur aime torturer ses spectateurs.
En plus de cette imagerie particulièrement sanglante, le spectateur est plongé dans la psychologie du personnage. Peu de dialogues, beaucoup de silences pesants qui renforcent ce sentiment d’enfermement psychologique qui ne nous quitte jamais, sensation renforcée par le cadrage, toujours serré sur Skye, ou en laissant de la profondeur lors des plans moins serrés, comme si sa silhouette était aspirée par l’arrière-plan, pouvant faire surgir n’importe quel élément la menaçant. Au fur et à mesure des troubles de la réalité que subit Skye, un sentiment de paranoïa naît, accentué par un montage son incisif, qui, au fil des cuts, laisse passer un cri d’une fan, un klaxon, qui nous fait passer bondir de notre siège mais qui irrite. Cette bande-son de Cristobal Tapia de Veer contribue grandement au sentiment d’insécurité qui ne cesse de grandir au fil du long-métrage. Il est assez paradoxal de remarquer que le premier film était très enfermé, mené tambour battant par un silence assourdissant, mais celui-ci, bien que toujours psychologique, semble être doté d’une sensation d’ouverture, sûrement due aux musiques pop de l’artiste. Pourtant, l’oppression et la tension omniprésente n’ont de cesse de tourmenter le spectateur. Les deux héroïnes ont en commun cet isolement où personne ne les croit, où elles tournent de plus en plus à l’agressivité et détruisent encore plus ce qu’elles ont de plus cher autour d’elles – famille, travail, animaux. Déjà que la performance de Susie Bacon était à louer, celle de Naomi Scott impressionne de plus belle. Étant encore peu connue outre-Atlantique, l’actrice s’impose de manière très satisfaisante dans ce rôle en délivrant une des performances les plus généreuses de l’année, sublimée par le soin tout particulier apporté à ses costumes qui incarnent parfaitement ce rôle de pop star.
Smile 2 apparaît comme la suite rêvée en reprenant les ingrédients du premier opus et en les démultipliant à foison. Agrémentée d’une bande originale frémissante, d’effets de caméra originaux et de performances de haute intensité, tout y est dans ces montagnes russes horrifiques qui marqueront à coup sûr la période d’Halloween, comme le premier l’avait fait deux ans auparavant.
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le 16 oct. 2024
Modifiée
le 19 nov. 2024
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